prends toi en main ma fille (félix)

- Je pense que tu devrais y aller ma puce, je n'adhère pas à ton idée farfelue de t'exiler à l'autre bout de la Terre pour je ne sais quelle obscure raison… mais quitte à y vivre, tu dois au moins t'y intégrer. Satine avait toujours été la plus cash, celle qui ne mâche pas ses mots et n'hésite pas à appeler un chien, un chien. Quand elle disait qu'elle n'adhérait pas, cela voulait en fait dire qu'elle désapprouvait totalement, mais elle aimait sans doute trop sa petite sœur pour le dire aussi franchement. - Sati.. les gens ici ne sont pas très accueillants tu sais, je suis bien loin de chez nous pour le coup… Loin d'être du genre défaitiste, Jude avait pourtant l'impression d'avoir débarqué dans une ville totalement hermétique à son charme. Chassant ce mauvais esprit d'un geste de la main, elle se reprit pourtant bien vite en garant sa voiture sur une place libre, à proximité des boutiques. Désactivant le kit main libre, elle porte le téléphone à son oreille. - Après tout, tu as raison ! Si je ne m'en donne pas les moyens, jamais ils ne me laisseront faire parti de leur monde. Déterminée, après tout, ce ne sont pas quelques mauvaises têtes qui allaient entamée sa joie de prendre un nouveau départ.

Raccrochant après avoir promis à sa sœur de la rappeler le plus rapidement possible… ce qu'elle ne ferait sans doute pas dans l'immédiat car Sati avait beau être adorable elle était aussi quelque peu envahissante. Jude quitta sa voiture, passant devant quelques boutiques sans vraiment prêter attention à ce qui se trouvait en vitrine, elle jeta son dévolu sur une petite boutique avec beaucoup d'articles ayant l'air assez vintage. Elle entra, regardant quelques articles sans savoir réellement ce qu'elle cherchait, elle tomba sur une robe noir, très simple avec de la dentelle mais pas trop…. - Je suppose qu'une sorcière devrait bien s'intégrer ici… Elle souriait pour elle même, se félicitant presque de l'ironie de la chose.

Un classique costume noir, un chapeau, un pantalon, une chemise, c'était ce qu'il était venu chercher dans cette boutique. Il prendrait la fausse épée de son fils, bien qu'il lui manquait une cape. Peu importe, il se débrouillerait d'une manière ou d'une autre, il n'est pas assez pointilleux pour se soucier du reste. C'était une idée de ses potes, ses enfants ont confirmé le choix, alors il serait le grand Zorro le temps d'une soirée, aussi ridicule que ça ne lui paraisse. Cette année, il avait décidé de faire un effort, comme s'il était enfin libéré d'un poids, à présent qu'il avait retrouvé son fils. Ce serait bien la première année depuis une éternité, qu'il est prêt à prétendre être un autre, ne serait-ce que pour s'amuser. Peut-être que le fait qu'il soit à nouveau là, ambiance aussi tendue soit-elle, avait ouvert en lui à nouveau, l'envie de vivre comme tout le monde. Il n'en avait malheureusement plus l'habitude, et puisque porter un déguisement pourrait le mettre au gout de la fête, il le ferait !
Lorsqu'il sort, posant le chapeau sur son crâne, il aperçoit un peu plus loin la chevelure rousse de l'étrangère, comme il se plaisait de l'appeler en son fort intérieur. Elle ne l'avait pas appelé depuis qu'il lui avait laissé son numéro l'air de rien. Il approche à pas de velours, arrivant derrière elle dans un effet de surprise. « Tout dépend de quel genre de sorcière il s'agit. » s'amusa-t-il alors qu'il venait de surprendre sa conversation à elle-même. « Bien que j'ai du mal à croire que vous en soyez une. » fit-il en se plaçant à côté d'elle. Parce qu'il pense bien qu'il mériterait un sort si elle en avait été, avec la froideur qu'il lui a offert à maintes reprises. Première fois qu'il lui adresse la parole de lui-même, mais il le lui devait bien, et la voir ainsi, seule était forcément tentant. « C'est pour la soirée ? »

Changer de vie implique beaucoup de choses, lorsque l’on décide de tout laisser derrière soi, on fait des concessions, adieu la vie d’avocate, adieu le dernier espoir d’atteindre cette carrière dont elle rêvait… et dans cet endroit adieu l’idée même de trouver le « prince charmant ». Entourée de crapauds… Son éternel optimisme commençait à être mis à rude épreuve, sûrement parce qu’elle n’obtenait aucun soutien, sa famille la serinait pour qu’elle rentre à Philadelphie, lui intimant qu’elle retrouverait sa vrai vie et surtout qu’il était prêt à pardonner, à tirer un trait sur tout ça… rien que l’idée lui donnait la nausée. -Tout dépend de quel genre de sorcière il s’agit. Le cœur qui fait un loupé et elle essaye de se rappeler ce qu’elle a dit exactement… C’est définitivement pas comme ça qu’elle va se faire accepter dans le coin.. elle tourne la tête pour voir entrer dans son champ de vision le propriétaire de cette voie… et merde. - Bien que j’ai du mal à croire que vous en soyez une. PARDON ? On passe à l’amabilité finalement ? Elle secoue la tête, reposant sa robe sur le portant devant elle. - Je peux l’être. Dit-elle revêche, mais elle se reprend, cela ne lui ressemble pas, elle n’est pas du genre à jouer du sarcasme. - Vous avez trouvé votre costume de grand méchant loup ? Dit-elle avec un sourire, elle n’a pas forcément très bien compris son attitude, mettant cela sur le fait qu’elle était simplement nouvelle et qu’il faisait parti de ces gens qui n’aiment pas les étrangers. Ce revirement lui donnait l’impression qu’il devait être du genre lunatique. - C’est pour la soirée ? Oh malheureusement oui, elle devait bien se forcer à s’intégrer sinon elle finirait dans sa grande maison avec douze chats et six chiens… mauvais plan. - Oui, on m’a conseillé de m’y rendre… et vous ? dit-elle en haussant légèrement les épaules. Pas par envie, ça s’est certain. Contre toute attente, c’était sans doute avec lui qu’elle avait sa première discussion amicale depuis son arrivée en ville… quel comble. - Je m’appelle Jude au fait… nos précédents échanges n’étaient pas assez… amicaux pour nous présenter correctement. Dit-elle en souriant, un sourire franc qui voulait bien dire ce qu’il voulait dire. Lunatique.

Il avait déjà plus que joué la carte du vieux bougre de la ville, et avec une pointe de regret sur les échanges glacés qu'il lui avait entretenu, il fallait bien qu'il se rattrape. Elle restait la nouvelle, mais le tempérament qu'elle dégageait lui glissait l'idée qu'elle n'était pas de ceux qui allaient leur pourrir la vie avec des idées d'hypermarchés et complexes de tout genre, pollueurs de paysages. Il s'étonna du ton employé, parce qu'elle était plus aimable les premières fois qu'elle l'avait abordé, mais à charge de revanche ! . « Je veux bien vous croire. » qu'il fait d'abord sérieux ne sachant pas si elle allait lui tenir longtemps rigueur de son comportement jusqu'ici.
Il sourit, baissant un instant la tête, le temps d'ôter le chapeau ridicule de sa tête. « Non, celui là je le porte à toute les saisons. » Il rit légèrement à l'évocation de cette idée. Elle n'est pas ici depuis assez longtemps pour savoir qu'il a eu son époque de connard de la ville qui s'en prend à tout le monde. Une chance qu'il se dit, avant d'évoquer la soirée. « On m'a... forcé la main. Vous faites bien de venir. » Il acquiesce en la fixant. Il pourrait l'inviter à le retrouver, mais ça ne lui traverse pas l'esprit. Puis Elliott lui ferait sans doute une blague sur le fait qu'il accepte les étrangers seulement au féminin, avec de beaux yeux et apparemment une répartie intéressement inattendue.
Elle se présente, la chanson qui se lie à son prénom lui vient en tête, mais elle lui est très vite happée par le fait qu'elle ait parfaitement relevé qu'il était presque hostile sur toute les fois où ils  se sont croisés. Il rigole à cette franchise, pour cacher le léger sentiment de honte qui le prenait comme toute les fois où on lui faisait comprendre à quel point il pouvait être rustre. « Jude ! D'ailleurs je suis désolé d'avoir été... disons maladroit avec vous. J'ai cru que vous seriez de passage... ce qui n'excuse pas évidemment. » Il ne donnait pas l'air tellement désolé, mais légèrement amusé à cette situation qu'il avait installé malgré lui entre eux. « Felix Atkins. Il y a ce Baxter qui compte transformer le paysage avec son centre commercial, je suis un peu à fleur de peau avec les étrangers. Mais comme vous avez l'air bien accrochée... Laissez moi au moins me faire excuser ? »

Sans forcément penser que les choses prendraient cette tournure, elle avait vu en Mount Juliet  une  occasion de tout reprendre à zéro, elle avait hésité à ouvrir son petit cabinet d’avocat en ville, mais après quelques semaines ici elle avait compris qu’elle s’ennuierait,  traiter des affaires de vol de bétail ou ce type de choses.. très peu pour elle. Elle se rappelait alors avoir pensé en  visitant cette petite maison qu’elle avait fini  par acheter qu’un jardin naturel serait magnifique et elle avait décidé d’en faire un métier, elle proposait ses services en  ville  pour prendre soin  des extérieurs de tout un chacun et refaire de jolies espaces où il fait bon s’installer avec un bon livre et un  verre de vin. Soyons honnête ses clients étaient essentiellement des clientes. Mais cela lui convenait assez bien… elles étaient bien plus agréables que ces messieurs. La rancœur elle  ne faisait pas parti de ses attributions, et si elle se montrait quelque peu revêche avec ce cher monsieur c’était sans doute parce qu’il avait ramené son cœur de petite fille romantique sur terre un  peu trop brutalement. « Je veux bien vous croire. » Voilà, ça lui apprendra à vouloir faire sa mauvaise tête. Il retira son chapeau de sa tête et cela lui arracha un  sourire, elle appréciait le fait que ces petites traditions perdurent, encore plus avec des grands gaillards mal embouchés comme lui. « Non celui-là je le porte toutes les saisons. » Elle rit légèrement, finalement ce vilain caractère n’était peut-être pas si terrible. « On m’a… forcé la main. Vous faites bien de venir. » Vraiment ? Comme c’est étonnant. - S’intégrer dépend aussi du fait de s’investir, et je suis plutôt doué pour ça. Elle sourit, elle a beau être capable de se montrer sous son plus mauvais jour, elle est beaucoup trop gentille dans le fond et n’arrive pas à tenir rigueur de peu de choses, et là c’était le cas, quelques mauvaises attitudes ne doivent définir la suite...

« Jude ! D’ailleurs je suis désolé d’avoir été… disons maladroit avec vous. J’ai cru que vous seriez de passage… ce qui n’excuse pas évidemment. » Elle ne put s’empêcher de rire, ce n’était effectivement pas une excuse, mais elle pouvait malgré tout comprendre son point de vue. Et puis… peut-être aurait-elle réagi de la même façon si les rôles avaient été inversés. « Félix Atkins. Il y a ce Baxter qui compte transformer le paysage avec son centre commercial, je suis un peu à fleur de peau avec les étrangers. Mais comme vous avez l’air bien accrochée… Laissez-moi au moins me faire excuser ? » Elle sourit, secouant la tête bêtement. - Vous n’avez pas à vous excuser… je comprends, et puis vous avez déjà dit que vous étiez désolé, alors n’en parlons plus. Elle ne pouvait s’empêcher de l’excuser, parce qu’elle voyait quelque chose derrière tout ça, quoi ? Le temps le lui apprendrait. - Je suis ravie de vous rencontrer Félix, et je vois tout à fait ce qui vous ennuie dans ce projet… peut-être pourriez vous m’en dire plus, un de ces jours. Elle fit une pause, se mettant à rire bêtement. - C’est pas ce que je voulais dire… enfin si… Pfff, elle soupire comme une gamine avant de se reprendre. - Généralement je suis plutôt douée niveau relationnel, mais là je suis nulle. Je voulais pas m’imposer, voilà ce que je voulais dire, mais ça me ferait plaisir d’en savoir plus. Dit-elle d’une traite, elle était quasiment convaincue de deux choses, la première il devait croire qu’elle essayait de le draguer et la deuxième elle était sûrement devenue rouge comme une tomate. Bien joué !

Ca avait mal démarré entre eux. Mais, en ne l'ignorant pas comme il l'avait fait les fois précédentes, il se rend compte qu'elle est plus sympathique que l'image qu'il voulait se faire d'elle au départ. Il a tout de suite pensé à mal, comme il l'a toujours fait depuis qu'on lui avait prit son garçon. Enfin, elle n'était pas la première à subir ses frasques paranoïaques, et sans aucun doute qu'elle ne serait pas la dernière. Mais rares étaient ceux auprès de qui il avait eu à s'excuser. Ou si, seulement de rares personnes qui étaient resté assez longtemps pour que Felix leur dise qu'ils étaient finalement assez bien pour Mount Juliet. Sa manière propre de s'excuser. L'effort que'il avait fait ici, à prononcer les mots « désolé » démontrait qu'il n'était – malheureusement – pas insensible au charme que dégage la jeune femme.
L'investissement, c'est vrai, il n'aurait pas dit mieux. Il approuve d'un signe de tête. « Ah oui j'ai vu ça ! La persévérance déjà, c'est un bon moyen de se faire une place ici. » Parce qu'il ne pouvait pas dire qu'elle n'en avait pas fait preuve jusqu'ici. Si toute ses tentatives avec les autres habitants se sont soldées par la même réponse que celle de Felix, elle n'était pas servie et avait eu du cran de rester plus de quatre mois. En fait, s'il y réfléchissait bien, Jude n'était plus tant une étrangère et ferait bientôt partie du paysage... Elle est bien plus belle qu'un simple paysage se dit-il. A cette pensée, il passe sa main libre dans ses cheveux à l'arrière de son crâne, tic nerveux qui n'avait pas le désavantage de trahir son léger malaise tant qu'elle ne le connaissait pas. Tout du moins, si elle avait le temps de le connaître un tant soit peu à un moment...

« Ca me va ! » Il s'accordait avec elle sur ce point, c'était bien mieux de ne pas en reparler, ainsi, cette nouvelle rencontre serait leur nouvelle base. Même s'il avait eu l'élan d'une invitation perdue dans son élan. De toute manière, l'idée était bête, souffler le chaud et le froid, c'est pas sa façon d'agir, lorsqu'il est froid, il reste froid. Point. Et alors qu'elle s'empêtrait dans ses propres mots, il ne put réfréner un large sourire. Ok, en fait, il ne le dirait pas ainsi, mais il trouvait ça mignon, si le mot était approprié. Impossible de rester sur le froid. Un sourire qui ne faiblit pas lorsqu'il tente de la rassurer en voyant ses joues rosies. « Ça me ferait plaisir de vous en dire plus. » fit-il à sa suite légèrement moqueur. Parce que ça ne le dérangeait pas, qu'elle s'impose, étonnament. « Autour d'un café ? Ou demain si vous n'avez pas le temps, du moins si vous survivez à l'épreuve de la ferme.»

« Ah oui j'ai vu ça ! La persévérance déjà, c'est un bon moyen de se faire une place ici. » Sans rire ? J'avais sans doute rencontrer des personnes qui partageaient le point de vue de Félix, n'aimant pas les étrangers non pas simplement parce qu'il venait de l'extérieur, même si cela semblait lui suffire malgré tout, mais surtout parce qu'ils avaient peur du changement. Elle même venant d'une petite banlieue en dehors de la grande ville,  elle pouvait le comprendre. Elle se souvenait parfaitement l'ouverture d'un centre commercial pas très loin de son lycée, et lorsqu'elle était jeune elle avait cru que ce serait une bonne chose... malheureusement comme pour tous les gens de son petit quartier, elle avait compris son erreur quelques temps plus tard. - Je vais devoir jouer les fortes têtes alors ! Elle sourit, consciente qu'elle ne serait pas forcément capable de faire ça très longtemps, le naturel revenant vite au galop.

Et elle s'embourbait avec sa maladresse, mais bizarrement elle n'était pas si mal à l'aise que ça. Félix avait beau être rustre il avait quelque chose... de rassurant, oui c'était sans doute le terme qui définissait le mieux ce grand gaillard un peu bourru. Elle remarqua malgré tout que ses maigres tentatives d'explications le faisait sourire et ça lui allait très bien... elle avait au moins réussi ça.  « Ça me ferait plaisir de vous en dire plus. » dit-il et elle senti un soulagement, elle ne l'avait pas effrayé..  « Autour d'un café ? Ou demain si vous n'avez pas le temps, du moins si vous survivez à l'épreuve de la ferme.» Et c'est reparti, elle s'empourpre à nouveau. Si elle avait eu le contrôle de son visage cela lui aurait facilité la vie depuis des années. Du calme Jude, c'est un gentil voisin qui t'invite à prendre un café, c'est tout. - Non, je... je suis partante, on peut pas dire que j'ai quoi que ce soit qui m'attende... Rire nerveux, de mieux en mieux... - Et vu ce que vous me dites j'ai l'impression que je pourrais rester coincée dans cette ferme pendant quelques jours avant qu'on ne remarque que j'ai disparue. Elle se mit à rire. C'est vrai qu'elle n'avait personne ici, alors personne ne le remarquerait vraiment. - Est ce qu'on peut se tutoyer ? Je trouve que c'est très formel tout ça... et vous m'intimidez un peu. Elle sourit timidement, pensant qu'il allait la prendre pour une dinde, mais tant pis.

« Je compte sur vous pour ça !  » Elle avait l'air assez déterminée, puis il suffit de se faire deux trois liens amicaux pour que ça parte pour le mieux ensuite. Lui qui rassure une étrangère. Au moins, on aura tout vu. D'ailleurs si quelqu'un le voyait à ce moment, quelques langues se délieraient sûrement au vu de son caractère peu enclin à aider les nouveaux. Les voix basses, ils s'en fichait pas mal de toute manière, il avait assez fait parler de lui il y a deux décennies pour que plus rien ne soit égal à cette période. Elle acceptait donc le café, avec cette maladresse qu'il aurait du mal à détacher d'elle à présent, et qui encore, continuait de former un sourire presque indélébile sur le visage de Felix. Il se surprenait à apprécier l'écouter parler de cette manière où elle semblait toujours se prendre les pieds dans le plat. Et rien ne l'attendait, cette information s'était immédiatement immiscée dans le cerveau du chef d'entreprise.

En réalité, c'était plus humoristique qu'autre chose. Elle semblait avoir des difficultés avec les autres habitants de Mount Juliet, survivre à la solitude quand on est entouré de monde, c'était sans doute la chose la plus difficile qui soit, Felix en avait fait l'expérience, bien qu'il n'ait jamais été étranger nulle part, pour les peu de voyages qu'il avait fait dans sa vie, à travers les Etats Unis. « A vrai dire, c'était plus pour vous faire peur. » Mauvaise habitude ou taquinerie, mais quoi qu'il en soit, si elle disparaissait, maintenant, il le remarquerait.

« Ce qui voudrait dire que tu n'es plus l'étrangère. » répondit-il en guise d'accord. Il la fixe un instant de ses yeux gris verts, l'air plus sérieux que jamais. Elle et ses pommettes rouges, qui semblait avoir senti le froid sur son visage. Ou était-ce les effets de l'intimidation. Il prit la chose pour un compliment, un dont on ne lui avait encore jamais fait part jusqu'ici. Dans un sens, elle aussi avait une part intimidante dans un sens qu'il ne parvient pas à déterminer. « Je peux être très intimidant. » qu'il fait sérieusement en se rapprochant d'elle, se faisant intimidant avec un regard presque conquérant, pour finalement s'éloigner. «... mais jamais quand je porte un déguisement d'halloween, qui m'est destiné emballé dans une poche. » Il lui lance un haussement de sourcil qui voulait dire 'je t'ai eue' et s'avança sur la rue de pas lents. Un brin arrogant, encore bougre sur les bords. « Je pose ça au pickup en passant et on peut aller au café un peu plus haut sur la rue ? »

Sans vraiment s’en rendre compte, elle avait totalement oublié la raison de sa présence dans cette petite boutique, loin d’être désorganisée elle était pourtant toujours en marche, avec un but précis, mais il avait totalement occulté la raison pour laquelle elle avait atterri ici. Elle se rappelait les mots de sa sœur, « intègre-toi », c’est ce qu’elle était en train de faire finalement, et de la plus belle des façons. Sortant de ces quelques secondes entre elle et elle-même, elle entendit ses mots « A vrai dire, c’était plus pour vous faire peur. » Elle était surprise d’entendre ça, les revirements semblaient de mise avec Félix… Autant ne pas s’en soucier, on ne refait pas les gens et si elle devait de temps en temps s’étonner de ses paroles ou de ses gestes, elle se rendit compte que cela le rendait plus intéressant encore, il n’avait sans doute pas fini de piquer sa curiosité. « Ce qui voudrait dire que tu n’es plus l’étrangère. » dit-il et elle se dit que ça n’avait pas été si difficile finalement, si lui arrivait à l’accepter elle avait sans doute fait le plus gros du travail.

« Je peux être très intimidant » lui dit-il en se rapprochant d’elle avec un air à vouloir la manger toute crue. « mais jamais quand je porte un déguisement d’Halloween, qui m’est destiné emballé dans une poche. » finit-il avec un air satisfait. Elle se rendit compte qu’elle n’avait pas bougé d’un centimètre, ce genre de chose l’aurait fait reculer par instinct mais là elle n’avait pas bougé. Elle se rendit vite compte qu’elle le fixait un peu trop intensément et secoua la tête en riant légèrement. - Je vais devoir m’habituer à ce Félix « taquin » je suppose… je préférais peut-être le Félix ronchon finalement… Elle se moquait, mais gentiment. Elle lui emboîta le pas, acquiesçant sur le fait de passer à son pick-up avant de se rendre au café. - Tant qu’il n y a pas de la corde et une pelle à l’arrière, je ne risque rien. Quel humour ! Pas sûre que ça le fasse rire, mais après tout elle pouvait bien être naturelle avec lui, non ?! Elle le suivrait de toute façon, elle ne connaissait pas encore très bien les endroits sympas du coin. Se balader avec un parfait inconnu voilà qui plairait à ses parents.. - Qui es-tu alors Félix ? A part le menuisier revêche de la scierie du coin ? Elle était curieuse, elle avait envie d’en savoir plus, de tout savoir en fait, et elle se rendait compte qu’elle s’intéressait sans doute déjà un peu trop à cet inconnu.

Il s'était laissé aller dans ce jeu dès lors qu'il l'avait entendu dire qu'une sorcière pouvait bien s'intégrer  à Mount Juliet. Peut-être n'aurait-elle pas réussi à piquer sa curiosité qu'il l'aurait encore ignoré et serait passé d'un trait jusqu'à son véhicule pour rentrer à la scierie pour quelques heures supp'. Elle lui fit remarquer à quel point il était taquin, et c'est vrai qu'il l'était, plus qu'à son habitude, et il se raidit à cette idée. Il se sentait un peu con d'avoir été sur la défensive avec elle, mais aussi d'être allé si facilement la voir aujourd'hui. C'est à nouveau à lui de se moquer gentiment. « on dirait qu'il te manque déjà, mais il est jamais loin celui là tu verras. » Il ne savait pas pourquoi il lui avait dit qu'elle verrait, mais soit. Peut-être espère t-il la voir plus longtemps. Le pickup tout juste à porté de main, il ouvre la porte et y balance son sac d'emplettes avant de refermer et de taper sur l'arrière du véhicule dans lequel il y avait quelques débarras de vieilles planches, une bâche, du fer et de la corde,le tout dans un désordre qui caractérisait son organisation. « J'ai de la corde. » fit il brièvement avant de lui faire signe pour qu'ils avancent jusqu'au café. Il n'aurait certainement pas besoin d'une pelle pour l'assommer et faisait assez d'exercice pour qu'elle ne puisse pas résister bien longtemps. Lui préfère les femmes libres. Il s'empêcher lui même de faire de l'humour sur le kidnapping, restant tout de même songeur à ce sujet qui avait détruit sa vie.
Elle le questionna sur lui, ce qu'il n'aimait pas des masse. S'étendre sur ce qu'il était, ça n'était pas forcément des plus intéressant. « Je crois que tu as plutôt bien résumé, sauf que la scierie m'appartient ! » ce qui faisait un brin prétentieux dit comme ça, mais une certaine envie de l'impressionner l'avait piqué. Bien qu'il faisait encore un travail polyvalent, il était à la tête de cette entreprise qu'il n'avait pourtant pas créée. « Y a pas grand chose de bien intéressant à mon sujet. Et toi donc, qu'est ce qui t'a amené ici ? T'es venue seule ?» demande t-il avec intérêt.

« On dirait qu'il te manque déjà, mais il est jamais loin celui là tu verras. » dit il et cela lui arracha un sourire. Sa compagnie ne devait réellement pas le déranger puisqu’il envisageait déjà qu'elle puisse avoir de nouveau à faire à ce Félix ronchon. Bon pas de quoi s'emballer pour autant, car elle ne voulait pas du tout faire ou dire quelque chose qui pourrait le faire revenir justement. Le Félix taquin et jovial lui plaisait beaucoup plus. - Où pas, qui sait peut être que ce monsieur ronchon peut être apprivoisé. Elle rit, pensant déjà voir revenir cet air renfrogné. Elle ne savait pas pourquoi elle jouait ainsi de sa mauvaise humeur, mais elle avait sans doute pris quelque peu confiance au fil de cet échange. Elle le suivait jusqu'au pick-up non loin, le voyant jeter ses emplettes à l'arrière elle se rendit compte que le rangement n'était pas son fort. Inconsciente du passé qui était le sien, sa petite blague ne fit pas mouche, même si il pointait le fait qu'il avait de la corde. - Je suis combative, je saurais m'échapper. dit-elle, continuant de le suivre en direction d'un café.

« Je crois que tu as plutôt bien résumé, sauf que la scierie m'appartient ! » dit-il et elle crut percevoir une once de fierté. Il avait raison de l'être, être capable de gérer un business et de s'en sortir, tout le monde ne peut s'en vanter. Malgré tout elle se rendait compte que parler de lui semblait assez compliqué, elle avait mis les pieds dans le plat. « Y a pas grand chose de bien intéressant à mon sujet. Et toi donc, qu'est ce qui t'a amené ici ? T'es venue seule ?» rajouta t-il et elle comprit que le sujet était clos. - Excuse moi, je ne voulais pas être indiscrète, je pose peut être un peu trop de questions quand les gens m’intéressent. dit-elle en se flagellant intérieurement, autant carrément le faire fuir Jude, bravo ! Elle préféra enchaîner pour ne pas redevenir rouge comme une tomate. - Oui je suis ici seule... je viens de Philaldephie, j'avais en gros la vie de rêve, le boulot, la famille, tout en fait... elle s'arrêta songeuse une seconde, secouant la tête, elle sourit. - En fait non, sinon je ne serais pas ici... il y a quelques mois j'ai... pris le premier billet de train au départ et je suis arrivée ici. J'ai cru être une aventurière pendant un instant. Elle rit, cela ne la caractérisait pas, mais elle était loin de faire les choses sur un coup de tête à la base. - Mais je ne regrette pas, la vie ici est superbe... et le paysage est plus qu'agréable. Elle parlait de lui, elle le savait mais aucune chance de dire ce genre de chose ouvertement, elle était trop fleur bleue pour ça et ne voulait pas lui donner définitivement l'envie de prendre ses jambes à son cou.

Tout dans ce qu'elle lui disait lui donnait envie de sourire. Il se sentait niais, et ça ne lui dérangeait franchement pas. Combien d'occasion de rire est-ce qu'il avait ? Sans doute beaucoup, mais pas de la sorte. Il fit une moue peu convaincue, affirmant presque sans un mot qu'il y avait peu de chance à ce que ça n'arrive. « Vous vous portez volontaire ? » Il était assez sérieux pour qu'il soit difficile de déchiffrer s'il voulait rire ou non. Mais il aimait l'entendre s'embrouiller, alors il avait demandé, comme si elle le forçait malgré elle à sortir de sa carapace de mec bourru.
Mais la conversation avait suivi un chemin qui ne le montrait pas sous ses meilleurs jours, et s'il tentait de contrôler le mal qu'il avait avec tout ce qui se rapprochait des kidnappings et privations de liberté, il ne le put pas plus. Il s'arrêta de marcher. Mais plutôt que d'exploser comme il allait le faire, il affichait la tête du mec qui a perdu son chien, se forçant à faire un sourire bref, les lèvres serrées pour ne pas lui dire que non, on ne pouvait pas se défendre face à l'imprévu malheureusement. Il savait qu'elle prendrait la fuite, et qu'il ne la reverrait pas s'il jouait encore sur ce terrain. Par chance, elle lui avait demandé de parler de lui, et il avait pu détourner.

Il avait faillit l'arrêter quand elle s'excusait par rapport à son manque de discrétion, mais il se tut aussitôt qu'elle déclara qu'il l'intéressait. Ne pas sourire était impossible, elle était franche et directe, même si le fait qu'elle enchaine aussitôt montrait qu'elle n'assumait pas complètement que sa bouche exprime ses pensées. Il essaya de rester concentré sur ce qu'elle disait. Elle avait en quelque sorte fuit une vie qui l'étouffait sans doute, mais il n'osa pas en demander plus alors qu'elle évoqua la ville. Qu'elle ait un esprit d'aventurière, il n'en doutait pas, s'en aller pour une destination inconnue où faire sa vie sans rien prévoir, c'est quelque chose qu'il n'aurait jamais pu faire. Même s'il n'avait pas eu d'enfants. « Et tu l'es certainement, il faut du courage pour laisser une vie derrière et en reprendre une nouvelle dans un endroit qu'on ne connait pas... Ah, c'est ici ! » Il poussa la porte du café et la tint pour laisser passer Jude la première. Il choisit la table qu'il considérait comme la plus calme près de la vitre. Elle avait osé parlé de son aventure alors il prit sur lui d'en dire plus sur sa propre personne. « J'ai toujours vécu ici, dans cette ville. J'étais pas plus ambitieux que ça, tout ce que je voulais, c'était une famille et un travail simple qui me rende... » il s'interrompit à l'arrivée de la serveuse qui prit leur commande. Il demanda « un café noir sans sucre s'il vous plait » une fois que Jude eut demandé ce qu'elle voulait et il regarda la serveuse rondouillette repartir. « Alors comme ça je t'intéresse ? »

« Vous vous portez volontaire ? » Elle se contenta de sourire, elle ne voulait pas pousser le bouchon trop loin. Elle avait beau se sentir en confiance avec Mr Atkins ici présent elle n'avait aucune idée de jusqu'où elle pouvait le taquiner avant que le ronchon Félix refasse surface. En attendant de savoir un peu mieux le déchiffrer, il était préférable de rester… raisonnable. Elle continuait de le suivre, lui racontant dans les grandes lignes ce qui l'avait menée ici, elle se retenait bien de parler de ses "fiançailles" rompues à l'arrache et sans ménagement, elle savait que cela faisait partie de choses que peu de personnes peuvent comprendre, et dans cette nouvelle vie elle ne voulait pas qu'on la juge. « Et tu l'es certainement, il faut du courage pour laisser une vie derrière et en reprendre une nouvelle dans un endroit qu'on ne connait pas... Ah, c'est ici ! » Elle regardait le petit café, passant devant lui, elle se dit qu'elle pouvait ajouter bien élevé et gentleman à la liste des choses positives à propos de lui… la liste allait être longue finalement. - Je pense qu'il faut du courage pour partir… mais il en faut sans doute plus encore parfois pour rester. Elle haussait les épaules, elle était convaincue de ça, mais s'empressa d'ajouter - Mais je n'avais pas une vie malheureuse. C'était vrai, elle ne manquait de rien… à part de l'adrénaline, ressentir de la passion, de la liberté.

Elle s'installa, déposant sa veste sur le dossier de la chaise, elle prit la carte dans la main, la regardant sans vraiment la voir.  « J'ai toujours vécu ici, dans cette ville. J'étais pas plus ambitieux que ça, tout ce que je voulais, c'était une famille et un travail simple qui me rende... » Elle reporta son attention sur lui, puis sur la serveuse. - Un thé au jasmin si vous avez, sinon un café crème en déca, merci. Elle lui sourit et tourna les yeux vers lui. - Tu n'as pas fini… qui te rende heureux ? Ce n'est pas ce que tout le monde espère ? Etre heureux… j'espère que tu as pu l'être. Elle ressentait beaucoup d'empathie vis à vis de Félix à cet instant et elle ressentait une certaine angoisse à l'idée qu'il n'ai pas eu une belle vie jusqu'à présent. « Alors comme ça je t'intéresse ? » Si elle avait pu elle se serrait enterrée toute seule après s'être ligotée à cet instant, virant au cramoisie en une seconde, elle ne savait plus ou se mettre. Sa bouche s'ouvrit une fois, puis deux avant qu'elle n'arrive à articuler quelque chose. - Je n'ai pas dit… enfin si, bien sur… Quelle chaleur ici, ils ne devraient pas pousser le chauffage à ce point. Elle était dans un état de nervosité proche de l'attaque. Elle agita son menu pour se faire de l'air avant de le reposer. - Désolé… Je suis… maladroite. Oui, je m'intéresse, parce que… tu es intéressant, ou du moins intrigant. Elle remettait les mots en ordre dans sa tête. - Et tu dois l'être aussi, sinon quelque chose me dit que tu ne serais pas aller jusqu'à m'inviter à prendre un café. Elle fit une moue satisfaite, l'air de dire "tu cherche tu trouve". Il allait sans doute lui faire avoir une véritable attaque si il continuait comme ça…

Il ne la connaissait pas assez pour lui demander ce qui l'avait donc tant poussée à partir. Et pourtant, il aurait aimé le savoir, mais il n'avait pas immédiatement envie de la replonger dans quelque chose qui l'avait poussée à fuir sans doute. « Et c'est le plus important, même si tu devais pas être plus heureuse que ça pour être partie. » Après s'être installé lourdement sur le siège, il demande quand-même. « Tu penses avoir fait le bon choix ? » en partant, en laissant derrière elle tout ce qu'elle connaissait pour se mêler à des inconnus qui pouvaient la rejeter sans rien connaître d'elle.
Il avait finit par se confier lui aussi, une bribe la moins détaillée possible concernant sa vie. Son regard happé par l'extérieur, retrouva le chemin du café et de Jude une fois les commandes passées et la serveuse disparue dans le but de satisfaire leur demande. Elle n'avait en tout cas pas perdu le fil de ce qu'il était en train de dire, contrairement à lui qui prit le temps de réflexion pour se repasser ses dernières paroles en tête. Il confirma d'un geste de main alors que sa tête acquiesça lorsqu'elle termina sa phrase comme il comptait la dire. « Ouais, c'est l'unanime quête. Je pourrais me plaindre, mais j'ai eu pas mal de bon moment, j'espère en avoir encore à l'avenir ! » Felix n'avait pas la moindre envie de s'étaler sur son malheur. Puis aujourd'hui, une partie de ce qui l'avait brisé jusqu'ici venait d'être résolue. Il hésita un instant sur le fait de préciser que c'était bien grâce à ses enfants qu'il avait pu profiter de ces instants de bonheurs, mais le chapitre 'fait fuir la belle dame' arriverait plus tard, bien qu'il était bien plus un problème lui que ses enfants.

La maladresse lui donnait un grain de folie qu'il ne se surprenait déjà plus d'apprécier. Il avait la chance de rester posé et de ne pas avoir ce problème de perte des mots lorsqu'il sentait la nervosité l'envahir. Elle était devenu rouge, et le sourire grand qu'affichait Felix s'était amoindrit en voyant qu'elle se faisait de l'air. Sur l'instant, il aurait presque pensé à un malaise, mais elle se repris avant qu'il ne s'inquiète plus, reprenant cet air presque taquin. Et le temps qu'il se satisfasse des mots qu'il venait d'entendre en se demandant s'il rêvait ou non quand à la réciprocité de l'attrait grandissant qu'il avait pour elle, Jude se chargea de lui en des mots bien plus structurés à présent. Il rit légèrement, baissant la tête une seconde avant de planter de nouveau son regard dans le sien. Elle avait réussit à fissurer ce petit mur de plaisanteries et de taquineries qui le protégeaient de l'intérêt visible qu'il lui portait. « C'était plus drôle dans l'autre sens. » qu'il fait à son tour dans un rire nerveux, son sourire figé à la hauteur même de quelqu'un qui rougit comme elle venait de le faire.  « Exactement, tu m'as eu ! »
Et il ne la quitta des yeux que lorsque leurs tasses furent amenées, ayant perdu les mots et questions qu'il aurait pu dire.

Attablée dans ce café, elle avait un sentiment de déjà vu, sans doute parce que l’endroit ressemblait étrangement à ce petit bar dans lequel elle se rendait le soir après son travail, un endroit très calme, apaisant où se jouaient parfois des scènes ouvertes. Elle se sentait bien, cela aurait pu lui apporter un peu de nostalgie mais finalement c’était relaxant. « Et c’est le plus important, même si tu devais pas être plus heureuse que ça pour être partie. » Ce n’est pas faux, elle n’était pas malheureuse mais il lui manquait quelque chose, ce sentiment qu’elle pouvait avoir plus… « Tu penses avoir fait le bon choix ? » rajoute-t-il et elle se rend compte qu’elle était peut-être incohérente dans ce qu’elle expliquait mais elle avait peur de faire sortir ces vieux démons des placards et de le faire fuir à vitesse éclair. - Je le pense oui… Je n’étais pas malheureuse, j’avais vraiment tout ce dont j’avais rêvé depuis toute gamine… et je crois que je me suis rendu compte que je voulais plus. Elle s’arrêta, regardant brièvement ses mains avant de planter son regard dans celui de Félix. - Ce n’est pas mal de vouloir se sentir… vivant, de vouloir plus de passion dans sa vie, n’est-ce-pas ? Elle l’espérait du moins.

Il approuva ses mots quand au bonheur idyllique que tout le monde cherche, en rajoutant qu’il avait eu ses moments de bonheurs, peut être pas tous les jours, mais personne ne peut être heureux à ce point, et elle vit que le sujet devait être clos. Elle ne voulait pas le mettre mal à l’aise ni le pousser à dire des choses qu’il aurait voulu garder pour lui. Après tout, elle en faisait de même.

A peine remise de son attaque, elle sourit en entendant sa réponse, satisfaite même si la gêne était encore un peu présente. Elle leva les yeux vers la serveuse qui lui déposa son thé devant elle, et la remercia. Faisant tournoyer son sachet dans sa tasse, elle releva les yeux vers lui. - Je pense que nous avons réussi à nous créer un nouveau début, et je préfère celui-là. Dit-elle avec un sourire, décidant une fois pour toute d’occulter totalement leurs premiers échanges, ce moment étant parfait. - Est ce que tu as ta famille ici ? Tu as dit que c’est ce que tu voulais… une femme, des enfants ? Elle repartait de plus belle dans l’indiscrétion, mais elle devait savoir si il y avait une Mme ronchonne quelque part, et si c’était le cas calmer de suite les ardeurs de son cœur de gamine fleur bleue…

Il savait comme les rêves de l'enfance, une fois accomplis, n'avaient pas la même saveur que ce à quoi l'on s'attendait. Lui, déjà enfant, rêvait d'être comme ses parents, avec la famille parfaite, la petite vie tranquille dans la paisibilité d'un paysage connu et accueillant. Chacun avait sa propre version de ce qui le rendrait heureux, et vouloir plus était bien évidemment le propre de l'humain. Elle lui demanda son avis. « Pourquoi ce serait mal ? » question rhétorique. « Si à un moment on ne se sent pas vivant, c'est peut-être que cette vie n'est pas faite n'est pas pour nous. » fit-il en se disant à lui-même qu'il n'avait eu que trop cette sensation mais qu'il s'était forcé à reprendre le cours des choses parce qu'il n'était pas seul.

Il lança un « merci » à la serveuse, se navrant encore et toujours des tasses minuscules que servaient les cafés aujourd'hui, comme s'ils regrettaient d'en mettre trop et de devoir trop en faire. Son regard de déception sur son café se dissout lorsqu'il releva la tête vers Jude. Il ne pouvait qu'approuver, il ne lui avait pas même laissé une chance d'un semblant de discussions. Il leva sa tasse comme s'il s'agissait d'un verre d'alcool. « A notre nouveau départ ! »  
La question des enfants qu'il avait remise à plus tard revenait bien au devant de la scène, il n'avait pas honte d'être père, au contraire, c'était une fierté, mais il avait cette crainte que ça ne jette un froid. Il se dit aussitôt que c'était n'importe quoi, ce n'était pas comme si quelqu'un pourrait s'intéresser à lui à long terme, entre son histoire et son caractère, il avait déjà fait l'expérience. « Oui, j'ai eu la chance de pouvoir avoir une femme et trois enfants comme je l'avais tant voulu. En fait j'ai aussi eu ce dont je rêvais en un sens. » finit-il songeur. « Tu as même peut-être eu l'occasion de les croiser à un moment, ils sont plus accueillants  que moi. » s'amusa-t-il. Ce qui pouvait paraitre bizarre, mais il n'avait pas besoin de dire qu'il avait été papa si jeune. Il essaya de sonder le regard de Jude, pour y lire déception ou autre, continuant aussitôt.  « Mais maintenant je suis seul, et c'est peut-être mieux comme ça. » ajoute-t-il inutilement par habitude, comme il l'a tant souvent dit pour se convaincre lui-même, avec la même manière rustre qu'il avait de se décrire la plupart du temps.
« J'espère que tu penses rester maintenant que tu as vu comment est la vie ici ? » qu'il demande en repensant à sa propre amabilité.

Peut être etait-ce une belle utopie que de penser que les contes de fées existent.. dans le cas de Jude elle avait tellement voulu croire que sa vie allait être parfaite. Elle avait en tête ce schéma idéal avec un boulot qui la passionne, une belle maison avec barrière blanche et un chien dans la cours, un mari dévoué qui ferait battre son coeur un peu plus fort chaque jour... avec six soeurs à la maison, toutes à lui conter de belles histoires, elle ne pouvait imaginer que ce serait autrement. Et pourtant, la réalité est beaucoup plus complexe. Elle l'avait appris. Si elle avait pense tomber de haut au début elle s'était rendu compte qu'elle ressentait un soulagement, comme si elle s'était libérée et c'était le cas ! "Pourquoi ce serait mal ?" Dit il avant d'ajouter "Si à un moment on ne se sent pas vivant, c'est peut être que cette vie n'est pas faite pour nous". Elle sourit, consciente qu'elle ne devrait pas s'en plaindre. - Tu as raison... Je n'ai jamais fait d'erreur dans ma vie, tout était absolument parfait, millimétré et... Je n'en pouvais plus. Elle se mit à rire, non définitivement elle n'avait pas commis une erreur en venant dans cette petite ville. Elle s'y sentais plus libre et pleine de possibilités, quelque chose qu'elle n'avait jamais réellement ressenti. Les tasses firent leur arrivée et il porta un toast à leur nouveau départ. - Et à la suite ! Dit-elle espérant vraiment au fond d'elle que ce ne serait pas unique, qu'après ce moment il n'allait pas se volatiliser.

Il se confia alors, il a bien eu une femme et des enfants, rajoutant qu'elle avait peut être même pu les croiser en ville et qu'ils étaient bien plus accueillants que lui. Cela lui arracha un sourire. Même si l'idée d'avoir croise ses enfants sans le savoir la laissait perplexe. Quel âge pouvaient-ils avoir ? Peu importe. Elle ne connaissait même pas l'âge de Félix... peut être était-il beaucoup plus vieux qu'il en avait l'air... Elle se soucierait de cela plus tard. " Mais maintenant je suis seul, et c'est peut être mieux comme ça. " Elle fit une grimace secouant la tête en réprobation de ce qu'il venait de dire. - Je pense que tu te vois d'une façon très négative ! Tu n'as pas à être seul parce que tu as quelques ... humeurs. Un petit sourire sur les lèvres, elle le regardait droit dans les yeux. - Je ne connais pas ton histoire et je ne suis personne pour juger... mais je dirais que tu te cache derrière cette attitude et une carapace un peu trop dure... Elle s'arrêta la, prenant une gorgée de son the encore chaud. Elle retira le sachet, le posant sur la coupelle. - Tu sais... tu me fais beaucoup penser à l'une de mes soeurs... Elle a tellement de belles choses à offrir aux autres mais elle se méfie trop pour laisser qui que ce soit s'approcher assez pour le découvrir. Jude n'était pas la plus apte à juger cela. Mais elle se trompait rarement sur les gens. Et concernant Félix elle ne comptait pas abandonner même si son mauvais caractère devait la mettre à l'épreuve.

Il lui demanda si elle comptait rester maintenant qu'elle avait vu comment était la vie ici. - Et si je disais non ? Dit elle en riant légèrement. Autant l'embêter un peu... - Je ne compte pas repartir, je me sens bien ici et on su tout dernièrement me donner envie de rester et d'en savoir plus. Elle reprit une gorgée de son the. Consciente qu'elle s'emballait sans doute un peu mais tant pis.

Ce genre de vie où l'on programme tout à l'avance et où il faut s'y tenir, ce n'est pas ce qu'il appellerait "vivre". C'était plutôt un système pour les gens qui ont peur de rater quelque chose, et qui se lancent des objectifs à n'en plus pouvoir. Qui n'étoufferait pas ? Felix en savait un peu plus sur la belle étrangère, avec l'étrange espoir qu'elle ne se sente pas à l'étroit dans cette petite ville qui n'avait rien à comparer à la grande ville. Mais ici, rien ne se faisait tellement à l'avance. Il y avait des imprévus à ses yeux.
Elle envisageait une suite. Peut-être était-ce simplement de ces quelques rencontres autour d'un café qu'elle voulait parler. Il n'avait la certitude de rien, mais il gardait en tête de ne pas l'ignorer la prochaine fois qu'il la rencontrerait. Il ne le pourrait pas de toute manière. Il fit une moue approbatrice, un haussement de sourcils qui voulait dire que suite il espérait qu'il y ait aussi, s'il ne se prenait pas trop la tête. Il se sent assez bien à cet instant pour ne pas faire les mêmes erreurs qu'il a déjà faites auparavant.
"Et si je disais non ?" une question par une question, il aimait bien ça, et dans une sincérité qu'il voulu atténuer tout de même, il laissa entendre qu'il le regretterait en répondant. « Ce serait franchement dommage. » Il n'était pas certain qu'elle parle de lui. Il sourit tout de même à cette idée. « Moi aussi. » ne la lachant pas du regard. Lui aussi, on lui avait donné envie d'en savoir plus.
L'histoire des enfants, il n'était pas sûr que ce ça passe tellement, et encore il en cachait tellement. Mais il n'arrivait pas à lire quoi que ce soit sur les traits de son visage. Ni déception, ni grand chose de plus positif, jusqu'à ce qu'il traduise sa pensée à haute voix sur le fait que pas de femme était sans doute mieux. Sous les flots de ses paroles, il se sentit rapéticir. Son sourire déjà amoindri disparu, alors qu'il restait figé, la main encore autour de la minuscule tasse de café où il ne restait presque plus rien. Dans le fond, il ne pouvait nier qu'elle avait raison, mais il restait qu'elle entrait sur une parcelle de lui-même qu'il n'arrivait pas à laisser empiéter par quelqu'un. Il détestait la psychologie, il a du mal à ce qu'on le cerne aussi vite et bien, et il reprend distance sur la familiarité qu'il s'était accordé avec elle. Une part de lui trouvait un certain soulagement qu'elle le comprenne, mais sa fierté et cette autre part de l'homme blessé qu'il était, prit la part sur le reste. « Ah j'ai compris, tu étais psychologue avant de venir ici. En effet, tu ne connais pas mon histoire, alors je préfèrerais que tu n'me psychanalise pas si tu veux bien. » La tension était montée trop vite pour qu'il n'arrive à la canalyser, ni même dans la peur de la faire fuir.

« Ce serait franchement dommage. » dit-il et Jude sentit son estomac se serrer légèrement, pensant pour elle-même que finalement quelqu’un regretterait sa présence ici. A part Félix qu’elle apprenait tout juste à découvrir, elle n’avait pas vraiment pris le temps de se mêler à la population, elle saluait une voisine de temps à autre mais cette petite dame était très âgée, et ne serait certainement pas une amie étant donné qu’elle avait déjà raconté dans tout le quartier que les travaux de Jude empiétaient sur son terrain, ce qui était complètement faux.

Jude avait été un peu trop loin dans ses paroles, elle ne s’était pas rendu compte que celles-ci pouvaient avoir un effet aussi négatif sur lui, et à vrai dire elle sentit très vite une bouffée de chaleur monter mais celle-là n’était pas vraiment due à de la gêne, elle se sentait en colère, autant qu’elle en était capable en tout cas. - Quel sale caractère ! Dit-elle en secouant la tête pour empêcher cette vague de colère de ne monter encore plus. - Je ne t’ai pas fait affront, je te parle tel que je ressens les choses, si cela te dérange tu peux le dire gentiment. Elle croisa les bras sur sa poitrine, retenant les larmes de colères qui montaient dans ses yeux. Elle secoua la tête, soupirant pour se calmer. - Tu sais, contrairement à ce que tu pense, je ne suis pas psychologue et si je l’étais je ne te psychanalyserais pas, c’est un coup à devenir dingue avec toutes ces sautes d’humeur ! Elle était agacée. Elle s’en voulait quelque part d’avoir parlé franchement, elle n’avait pas pensé à mal mais contrairement à ce qu’elle avait cru pendant un court instant, non elle ne pouvait pas lui parler sans détour, sans déformer ce qu’elle pensait vraiment. - Si tu veux que je parte dis-le, je n’ai pas pour habitude de m’imposer. Elle était prête à le faire, à partir, bien sûr qu’elle ne le vivrait pas bien, elle s’en voulait, culpabiliserait et sans doute même qu’elle irait jusqu’à essayer de s’excuser mais quelque part elle se dit qu’il devait être rare que les gens osent le bousculer un peu et peut être cela ne lui ferait pas de mal.

La rencontre qui s'était menée jusqu'ici si intéressante et presque conviviale, avait prit un tout autre air. C'était Felix le coupable, lui et son incapacité à accepter que l'on puisse voir ses faiblesses. Il préférait encore paraitre con, à son habitude du moins, là, il sentait qu'il faisait une connerie, mais il n'avait pas pu s'empêcher de la faire quand-même. Et il avait presque emprunté ce ton condescendant qui le rend si désagréable.
Et elle ne se laissait pas faire, il pouvait la regardé dans une presque indignation qu'elle même semblait contenir sa colère. Il venait d'engloutir le reste de café qu'il avait au fond de sa tasse, et il regardait dans sa réflexion, prenant mot à mot des choses qui le vexaient mais qui n'étaient pas totalement fausses. Il réagissait parfois, d'un mouvement de tête presque indistinct, comme si elle touchait encore là où ça faisait mal. Après tout, s'il était encore seul, si ça n'avait pas marché, c'était parce que personne ne supportait qu'il se mette à aboyer d'un coup parce que ça ne lui plaisait pas. Et il avait l'habitude fâcheuse de tenir tête. Mais lorsqu'elle lui demanda s'il voulait qu'elle parte, qu'elle n'avait pas l'habitude de s'imposer, il se remit en question l'espace d'un instant. A vrai dire, il aurait même cru qu'elle allait partir et le planter là sans lui demander son avis. Il prit l'instant de la réflexion, mais déclara assez vite. « J'ai jamais dis ça ! » Il ne voulait pas qu'elle parte et se sentir à nouveau con, parce que cette fille, elle avait un truc. « Je... J'ai juste du mal quand on me dit les choses comme ça noir sur blanc... J'ai pas l'habitude... même si tu as raison. » qu'il finit un ton plus bas. Il réajuste sa veste en faisant un mouvement de tête. « Restes, s'il te plais, je ne m'emporterais plus... j'essaierais, c'est promis. » Il s'était avancé vers la table pour la regarder plus en face. « Mais si tu veux prendre tes jambes à ton cou, je comprendrais... » Il avait été con, et il n'aurait qu'à s'en prendre à lui. Surtout qu'il avait déjà commencé ainsi, et qu'il lui montrait par la même occasion qu'il était bougon bien plus souvent qu'elle pouvait le penser.