What do you want? (r/felix)

Remus était chez lui et s'apprêtait à aller au travail, non sans vérifier mille fois qu'il n'était pas suivi et que son petit frère allait bien à l'école. Il avait peur de le perdre, peur qu'on les séparent, et que Remus se retrouve seul. Il ne le supporterait pas. Parfois, il regrettait de s'être enfui car en réalité, il avait bien plus peur depuis qu'ils étaient partis de chez eux. Il enchaînait les crises d'angoisse à chaque fois qu'il entendait une voiture de police ou quand une voiture s'arrêtait à leur hauteur. Et quand il était dehors, il avait l'impression qu'il n'avait droit à aucune liberté, que quand il rentrerait, il se retrouverait enfermé dans le noir, à attendre l'installation d'autres cicatrices sur son corps déjà marqué. Il avait peur de tout, et de rien. Incapable de vivre normalement. Il avait l'impression que c'était le but de son père. Lui prouver qu'il n'arriverait jamais à vivre seul. Il avait perdu énormément confiance en lui et en so travail. Et comme tous les jours, les larmes coulaient en secret, la peur au ventre, le souffle coupé. Il avait peur de tout. Qu'on le retrouve, qu'on le jette en prison, qu'on le sépare de son petit frère, ou pire encore qu'on les ramène à leurs pères. Remus savait qu'il en reviendrait plus. Son père n'attendait qu'une chose, son retour pour le tuer. Et il avait peur de mourir.

Tout en faisant le trajet jusqu'au domicile de son employeur, Remus repensait au dossier sur lui trouvé dans le tiroir de son père. Il était vide. Son père avait tout enlevé qui aurait pu lui permettre de trouver le moindre indice sur sa vraie famille. Il ne voulait pas se rapprocher d'eux, juste s'infliger ce qu'il aurait pu vivre si tout ça n'était pas arrivé. Il n'avait rien dit à son petit frère pour ne pas l'effrayer et lui faire croire que Remus voulait l'abandonner. Il n'attendait plus rien de cette famille étrangère. Sa seule famille était son petit frère qui était son fils. Celui dont il s'occupait depuis qu'il avait 9 ans. Il n'avait pas vraiment eu de jeunesse, devant très jeune prendre des responsabilités d'adulte. Mais Remus s'en fichait bien. Il voulait juste le bonheur de son fils. Le sien pouvait attendre. De toute façon, personne ne voudrait d'un fou.

Il arriva jusqu'à son lieu de travail et il commença à travailler en silence, toujours inquiet d'être observé ou suivi. Et si son père avait fait le déplacement jusqu'à Mount Juliet, pour le retrouver? S'il décidait d'emmener son fils pendant que Remus travaillait? Ou s'il voulait juste tuer Remus, ici, là où il était né. Il s'attendait à tout. Il commença à planter des fleurs, tout en restant silencieux, toujours perdu dans ses pensées. Il voulait vraiment que son employeur soit satisfait de son travail pour continuer à vivre ici. Parce que si son entreprise ne marchait pas, il ne voulait pas faire plus long feu à Mount Juliet. Ils partiraient tous les deux, le plus loing possible. Peut être au Nouveau Mexique ou en Caroline du Sud. Au moins, il serait sûr que personne ne viendrait les chercher là-bas. Il continua à planter des fleurs, tout en restant suspendu à la pensée la plus noire. Celle où il serait séparé de son fils et envoyé en prison parce que lui aussi, il le kidnappait sans le vouloir.

Avec l'horrible impression d'être un voyeur, il s'était mit à guetter la venue du jardinier. Remus, il l'a remarqué dès que ses yeux se sont posés sur lui. Personne ne peut imaginer ce qu'il a ressenti, ce qu'il ressens toujours à l'idée d'avoir bel et bien raison. Felix n'a pas même besoin de confirmation pour être certain. Anna pourrait le comprendre, si elle était là. Ou du moins, il imagine que tel aurait été le cas. Lorsque le gamin entre dans le jardin, il laisse retomber le rideau devant lui pour l'observer là, caché comme un voleur. Chaque fois qu'il se trouve face à lui, il perd ses moyens et fait des phrases incomplètes, il le regarde comme s'il pouvait lire en lui. Mais rien. Se voir dans les yeux de son fils comme l'étranger qu'il est pour lui, ça le bouffe très vite, et le pousse à se dire qu'il  devrait tout lui avouer. Sauf que Felix a beaucoup trop peur de le faire fuir pour ça, c'est ce qui l'a retenu jusqu'ici.
Alors il joue les patrons, comme il sait si bien le faire. Un patron très paternel et familier avec son employé. Puis, il a assez cherché à converser avec lui pour connaître des choses sur son fils.Il est timide, s'y connait comme personne en jardins, plantes et fleurs, et est une personne responsable qui tient ses engagements. Son fils, même sans lui, est devenu quelqu'un de bien. Plus il le regarde, et plus il est convaincu. C'est Tate, le bébé qu'il n'a pu prendre qu'une fois dans ses bras avant qu'il ne lui soit arraché dans la stupéfaction de tous. Cependant, il est un homme bien, mais il est loin de transpirer le bonheur. Son cœur de père se tord à cette pensée.
Il a bien du rester là dix minutes, à le regarder, les yeux dans le vague en imaginant ce que leurs vies auraient pu être s'il avait toujours été là. Et finalement, il se décide de bouger et de le rejoindre, le plus naturellement possible. « Bonjour ! » qu'il lance, un sourire sur le visage. Se comporter de la sorte, à faire comme s'il ne savait pas, le ronge au plus profond. Ce n'est pas tout à fait les retrouvailles qu'il avait programmées. Il était censé savoir en même temps que lui. Il pensait qu'il ressentirait soulagement et bonheur de le savoir sain et sauf le jour où ils le retrouveraient. Felix se déçois de ne pas être capable d'aligner les mots assez explicites pour qu'il sache enfin qui il es. De plus, il n'a aucune preuve pour se justifier. Il s'approche, lui tendant une poignée de main pour le saluer. « Je dois dire qu'on est plus qu'heureux de t'avoir... » la sincérité était flagrante et il se mordit la langue pour ne pas avoir les larmes aux yeux tant c'était bon de lui dire à quel point il lui avait manqué. Felix s'éclaircit la gorge. « … pour le jardin, ça fait une éternité que plus personne ne s'en occupe. » il essaie de rire, mais ça reste coincé dans sa gorge.
Dès qu'il l'avait embauché, il avait voulu le mettre à l'aise en lui disant qu'ils pouvaient se tutoyer, qu'il pouvait l'appeler par son prénom. La plupart du temps, quand il dit cela à quelqu'un, il ajoute 'on est pas des bourges', mais là, il s'abstient. « Viens donc une minute pour boire quelque chose ?! »

Remus continuait de travailler dans le jardin. C'était le seul moment, où il ressentait sa liberté parce qu'il avait toujours l'impression d'être prisonnier du grenier. Et puis s'occuper de son fils lui prenait du temps. Il l'adorait et faisait tout pour lui mais il avait l'impression de ne pas savoir quoi faire face à certaines situations. Quand on les regardaient à l'école de son fils, Remus se sentait jugé sur sa jeunesse. Et en plus, comme son fils l'appelait papa, les regards se faisaient de plus en plus juges. Mais ici, personne ne le jugeait puisqu'ils ne savaient pas pour son fils. Et alors qu'il installait des fleurs, il entendit la voix de son employeur. Malgré tout, il sursauta, comme s'il avait peur. Il avait toujours peur de tout. Et même si son employeur semblait gentil, il avait peur de lui. Il avait peur de tout, il était stupide. Il était inquiet même si les mots sortant de la bouche étaient rassurants. Mais il n'était pas habitué à ces mots là. Remus leva son regard sur lui. Son regard était inquiet, limite apeuré. Remus pouvait se comparer au chaton apeuré qu'il avait trouvé au bord de la route dans l'Indiana.Il avait toujours appris que les gens à l'extérieur ne lui voudrait que du mal. Et malgré sa fugue, ça restait bien ancré dans sa tête. Il avait tout le temps peur pour son fils. Il avait peur qu'on le lui enlève. Et il avait aussi peur qu'on lui fasse du mal à lui. Il tentait de rester fort, de ne plus penser à tout ça. Son employeur n'avait pas besoin de le voir aussi fragile et faible.

D'ailleurs, il l'avait invité à boire quelque chose. Remus ne savait pas quoi faire. S'il disait non, il avait peur de le froisser et s'il disait oui, il avait peur que monsieur Atkins le voit comme un profiteur. Mais peut être qu'il réfléchissait trop. Peut être que Remus n'avait pas tant besoin de se poser autant de questions. Il hocha timidement la tête avant de répondre :

"D'accord! Mais je vous promet que j'aurais fini avant ce soir..."

Il lui avait bien dit de le tutoyer mais Remus n'y arrivait pas. Il ne le connaissait pas et n'arrivait pas à se le permettre. Et il voulait le rassurer sur le fait que ça ne l'empêcherait pas de travailler. Il revoyait ce grenier dans lequel il avait été enfermé. Il revoyait souvent plein de choses. Mais il le cachait. Surtout à son fils. Il essayait de jouer les pères rassurants. Lui dire que plus jamais personne ne leur fera de mal. Mais il avait peur qu'un jour quelqu'un reconnaisse son fils et lui dise qu'il n'était qu'un voleur d'enfant. Il inspira profondément pour chasser toutes ces pensées et il regarda de nouveau son employeur.

"Je pense que je l'aurais fini d'ici la fin de la semaine... Il ne faut pas trop le chargé sinon ça ne rendra plus aussi bien..."

Pourtant, il sentait qu'il y avait un truc différent. Remus ne comprenait pas trop. Il se demandait même s'il avait fait quelque chose de mal. Et soudainement, il eut peur que son père n'eut la même idée que lui, venir ici. Il regarda la route d'un air inquiet, angoissé. Il ne voulait pas faire de crise devant son employeur mais il ne serait tranquille que quand il aurait récupéré son fils à l'école. Il avait trop peur et la peur finirait par le tuer un jour. Il le savait.

Lorsque son fils le regarde, il perçoit la peur qui l'habite. Mais le mélange de sentiments que Felix tente de contenir en lui comme un secret, l'empêche d'y prêter plus attention que ça. Il sait qu'il est timide, ça se sent plus que jamais. Et il n'a pas envie de se dire que le mal vient de plus loin. Il ne veut pas imaginer que ceux qui l'ont enlevé ont pu lui faire du mal. Combien de film s'est-il affligé de regarder, avec pour unique sujet, l'enlèvement de leur enfant, retrouvé des années plus tard. La plupart du temps, il y en a qui vivaient très bien, avec pour seul problème, la cavale que leur imposé leur(s) parent(s). Lui préfère encore se voiler un peu la face. Jusqu'à ce qu'il ne le lui dise de lui-même. Jusqu'à ce que ça ne devienne obligatoirement réel. Pour l'instant, Felix veut juste se consacrer à savoir qui il est au delà du lien du sang qu'ils partagent, et lui faire savoir qui il est lui aussi, qui est sa famille. Il invite donc Remus à prendre un verre, il ne peux pas s'empêcher d'être heureux alors qu'il accepte. Parce que ce sera la première fois qu'il va pouvoir s'entretenir vraiment avec lui, sans le jardin pour support. « Ne t'inquiètes pas pour le temps. Je t'invite par pur égoïsme, j'ai pas envie de boire seul. » Il rit un instant d'un air léger, et lui fait signe de rentrer, lui montrant la table et les chaises pendant que lui se dirige vers le frigo pour prendre deux bières. « Bière, café, jus de fuit ? » Les enfants sont à leurs occupations, en ville, il est seul, et Andromeda ne pourra pas lui dire une nouvelle fois que c'est une mauvaise idée d'avancer des choses pareilles sans être sûr. Remus l'informe alors sur le temps qu'il pense mettre pour terminer le jardin. Atkins avale grossièrement sa salive. Il reste même figé un instant, les yeux dans le vague, le sourire s'effaçant de ses lèvres. Il ne peut pas le laisser partir comme ça. Quand bien même il est en ville, il ne peut pas le laisser à nouveau s'éloigner. La panique le prend comme s'il avait dit qu'il partirait à la seconde, ses jambes menacent de se dérober sous lui, alors il avance vers la table. Il pensait avoir un peu plus de temps, pour tourner les mots dans le bon sens, lui qui n'est pas un poète ni un bon conteur. Les idées plus lumineuses les unes que les autres lui passent par la tête, mais aucune ne l'est assez pour qu'il ne la retienne plus que celle qu'il s'apprête à mettre en pratique. « Oui... ce serait bête... » qu'il répond vaguement alors que l'aveu se répète intérieurement. Sa mâchoire se contracte, et soudain il lâche, comme venu de nulle part : « Une semaine c'est trop peu. » Tout est à nouveau brouillon dans sa tête, mais maintenant qu'il a commencé, il ne peut plus revenir en arrière. « Je penses que tu es mon fils. » Son cœur s'arrête un instant, Il est pas sûr qu'il se remette à battre si le gamin s'en va. « Attends, je ne suis pas fou, j'te jure. Je peux pas le prouver. Mais mon fils a été enlevé il y a vingt deux ans. Tu es le portrait craché de ma fille, la jumelle de mon fils, et d'Anna, mon ex-femme. Je sais que ça paraît complètement dingue, mais je suis sûr qu'au fond de toi, tu l'as senti aussi. » Il n'est pas certain que sa phrase ait un sens logique. Ses yeux étaient rouges, il était cependant très fort pour cacher son mal avec le temps. Il se serait justifié des heures, mais il ne savait pas comment éviter de lui faire encore plus peur. S'il partait là, tout de suite, il en mourrait.

Tout lui semblait étrange d'un coup. La peur l'envahissait et il n'osait plus bouger. C'était toujours ce qu'on lui avait dit de faire. Ne plus bouger. Ecouter. Se faire oublier. Il lui avait proposé à boire pour ne pas boire seul. D'accord, Remus voulait bien l'admettre de faire une pause. Il répondit alors à la demande: " Comme vous..." Sa voix était toute timide, comme lui, il l'était. Et il attendait, Remus. Sans rien dire. Parce qu'il n'aimait pas parler avec les inconnus. Le silence ne fut pas long. Son employeur avait repris la parole. Remus ne semblait pas comprendre ses mots. Et puis il dit des mots qui effrayèrent Remus. Lui? Être le fils de son employeur? Il pensa à son fils. Il n'avait pas le droit de l'abandonner. Comme il n'avait pas eu le droit de l'emmener dans cette ville. Il ne voulait pas y croire. Ses yeux se remplirent de larmes.

"Arrêtez je vous en supplie..." supplia Remus, les larmes aux yeux. " Ce n'est pas vrai... Je viens de Chicago..." Mensonges qu'il s'adressait à lui même. Il n'était pas parent du monstre qui se prétendait être son père. Ce n'était pas vrai tout ça. Tout se mélangea dans sa tête et il se recula. Les larmes coulèrent le long des joues. Sa culpabilité se mit à grandir. Et même si l'homme en face de lui avait raison, il n'avait pas le droit de faire subir ça à son fils. Il avait peur, Remus. Il avait peur de le perdre, peur qu'on les sépare. Et que la famille qu'il s'était crée ne s'éclate en mille morceaux. Remus continua à reculer, jusqu'à sentir le mur le retenir. Il avait l'impression que la pièce allait l'engloutir et surtout que l'homme allait lui aussi l'enfermer dans la cave puis dans le grenier. C'était tout ce qu'il méritait, n'est-ce pas? Il dit alors:

"Je suis désolé.. je peux pas continuer... je suis sûr que vous trouverez quelqu'un d'autre pour arranger votre jardin.. mais je dois y aller... je peux pas rester ici..."

Les larmes continuaient encore de couler, silencieusement. Là, il ne voulait qu'une chose, récupérer son fils et être rassuré. Personne ne les sépareraient. Sauf si la police savait tout et que Remus aille en prison. C'était ça aussi, sa crainte. Mais il gardait toujours tout ça pour lui. Et puis, qui voudrait de lui, 22 ans après? Il n'était qu'un monstre. Il allait partir, oublier ce qu'il venait d'entendre. Prendre son fils et partir. Il n'avait pas le droit au bonheur. Il devait juste veiller sur celui de son fils.

C'était pas à lui d'être pétrifié, mais il l'était, autant que le garçon en face de lui. Il voulait l'empêcher de partir, mais il ne voulait pas le brusquer plus qu'il ne l'avait déjà fait. Felix avait déjà agit comme un gamin en déballant tout ça à la seconde, sans une vraie explication valable. Et lire la peur que son fils avait dans les yeux était pire que d'être transpercé par des lames. Il regarde un instant vers le plafond, le désespoir en son cœur. La sensation qu'il ne retrouverait jamais son fils en tant que tel vint le tenir pour le clouer sur place en même temps que Remus avait trouvé le mur. Le jeune homme affirma qu'il venait de Chicago, pourtant, il avait l'air trop hésitant. Ou ce n'était que Felix qui imaginait des choses ? Il prit au moins dix secondes à le regarder, sourcils froncés, à se demander qu'est ce qu'il était en train de foutre, s'il n'était pas devenu complètement malade avec les années... le gamin appellerait l’hôpital psychiatrique pour l'y faire enfermer. C'était encore le cadet de ses soucis. Sa conviction reste la même. Pour Atkins, c'est impossible qu'il se trompe, un parent sent ce genre de choses, il reconnaît son enfant parmi tant d'autres.
Il s'approche sans venir l'étouffer. Il ne sait plus du tout ce qu'il doit faire, perdu, les paupières ne cessant de cligner pour empêcher que les larmes ne lui montent jusqu'aux yeux, les mains devant lui, comme le ferait un mec qu'on pointe avec un flingue. Felix avait réussit ce qu'il ne voulait absolument pas faire: le pousser vers la sortie plus vite que la normale. « Écoutes, c'est moi, je n'aurais pas du te le dire comme ça, mais... » la boule logée dans sa gorge le force à s'interrompre en pleine phrase, alors qu'il vient frotter sa barbe naissante, faisant un quart de tour sur lui-même avant de se replacer face à Remus. « J'ai jamais voulu te faire peur, c'est moi qui ais eu peur que tu disparaisses... » Le rouge lui monte aux yeux, ça finit par en être trop pour qu'il se contienne aussi bien qu'il avait su le faire au travers de ces dernières idées. C'était pas à lui d'être pétrifié, mais il l'était, autant que le garçon en face de lui. Il voulait l'empêcher de partir, mais il ne voulait pas le brusquer plus qu'il ne l'avait déjà fait. Felix avait déjà agit comme un gamin en déballant tout ça à la seconde, sans une vraie explication valable. Et lire la peur que son fils avait dans les yeux était pire que d'être transpercé par des lames. Il regarde un instant vers le plafond, le désespoir en son cœur. La sensation qu'il ne retrouverait jamais son fils en tant que tel vint le tenir pour le clouer sur place en même temps que Remus avait trouvé le mur. Le jeune homme affirma qu'il venait de Chicago, pourtant, il avait l'air trop hésitant. Ou ce n'était que Felix qui imaginait des choses ? Il prit au moins dix secondes à le regarder, sourcils froncés, à se demander qu'est ce qu'il était en train de foutre, s'il n'était pas devenu complètement malade avec les années... le gamin appellerait l’hôpital psychiatrique pour l'y faire enfermer. C'était encore le cadet de ses soucis. Sa conviction reste la même. Pour Atkins, c'est impossible qu'il se trompe, un parent sent ce genre de choses, il reconnaît son enfant parmi tant d'autres.
Il s'approche sans venir l'étouffer. Il ne sait plus du tout ce qu'il doit faire, perdu, les paupières ne cessant de cligner pour empêcher que les larmes ne lui montent jusqu'aux yeux, les mains devant lui, comme le ferait un mec qu'on pointe avec un flingue. Felix avait réussit ce qu'il ne voulait absolument pas faire: le pousser vers la sortie plus vite que la normale. « Écoutes, c'est moi, je n'aurais pas du te le dire comme ça, mais... » la boule logée dans sa gorge le force à s'interrompre en pleine phrase, alors qu'il vient frotter sa barbe naissante, faisant un quart de tour sur lui-même avant de se replacer face à Remus. « Dis-moi que tu n'as pas le moindre doute à mon sujet, et je te laisserais partir sans essayer de te retenir. Mais si tu as le moindre doute, réfléchis s'il te plais. Réfléchis. Je ne ferais jamais rien pour te nuire. Saches-le... » Au fil de ses mots empreints de douleur, il s'était écarté, lui lançant le plein champ libre vers la sortie s'il le souhaitait. Il ne veut pas le torturer. Sinon quoi ? Il serait comme ces kidnappeurs sans âme qui arrachent leurs enfants aux parents.

Son coeur cognait fort contre sa poitrine, les larmes continuaient de couler. Il avait l'impression d'étouffer aussi. Il ne savait plus quoi penser. Et si c'était vrai? Et si l'homme en face de lui était son père? Il a trahi son fils. En venant à Mount Juliet, qu'est-ce qu'il attendait? De découvrir qui était sa vraie famille. L'homme s'était approché de lui. Remus avait sa tête qui se vidait. Il allait peut être tomber tellement que le choc était violent. Mais il avait trahi son fils. Et maintenant par sa faute, ils allaient être séparés. Comment annoncer ça à Willy? Comment annoncer que lui venait peut être de retrouver sa famille? Il regarda l'homme en face de lui et il murmura:

"Je suis désolé... je suis désolé...."

Comme absent, comme ailleurs. Et si c'était vrai. Et si c'était vrai, il n'avait pas le droit d'être là. Il n'avait pas le droit à tout ça. Sa famille ne voudrait pas de lui. Personne ne voudrait de lui, c'était ce que son père avait dit, lorsqu'il avait voulu le tuer, cinq ans auparavant.Il se calma un peu avant de dire:

"J'ai pas le droit! Je l'ai trahi! J'ai trahi la confiance de mon fils.... Maintenant par ma faute, on va être séparé.... "

Il était toujours sous le choc, incapable de faire le moindre mouvement. Et si cet homme était celui qu'il aurait du appeler papa? Non. Papa, c'était celui qui lui interdisait de sortir, celui qui le frappait pour un oui ou pour un non. Remus devait endurer sa colère. Il inspira profondément et il murmura, peut être comme une confidence:

"Et mon père est à Chicago... Ca fait 4 ans qu'on est parti, mon fils et moi... Et s'il sait où on se trouve, il nous reprendra...."

Il ne voulait pas dire qu'il doutait. Qu'il pensait que c'était bien son vrai père en face de lui, qu'il savait qu'il avait été enlevé. Il ne voulait pas dire tout ça, parce qu'il n'avait pas le droit d'aller avec sa vraie famille. Sa vraie famille, c'était son fils.

Le rêve aurait été que tout soit plus facile. A quoi est-ce qu'il s'attendait ? A ce qu'il lui tombe dans les bras ? Évidemment, c'est le scénario qu'il aurait préféré, mais c'était totalement invraisemblable. La vie était beaucoup plus compliquée que ça et il l'avait appris à ses dépends au fil des années qui avaient chacune son lot d'emmerdes. Il s'excusait, mais il n'avait rien à se faire excuser. Ce n'était pas comme s'il avait choisi de partir, comme s'il les avait abandonnés. Il avait tenté de laisser le calme revenir. « Ton fils ? » qu'il répète étonné, mais qu'il accepte comme si l'évènement était naturel. C'est vrai, ses propres parents l'ont eu au même âge qu'il a eu lui-même Tate et Andromeda, et la tradition était passé à travers Remus aussi. « Pourquoi tu veux que je te sépare de ton fils ? » Il était trop bien placé pour savoir ce que ça faisait d'être séparé de son enfant. Jamais, ô grand jamais il ne laisserait quelqu'un faire ça à un parent. Que ce soit son fils ou non. Remus semble complètement désespéré par la situation qui lui tombe dessus, mais Felix, il ne peut pas revenir en arrière, et sans doute que s'il le pouvait, il ne le ferait pas. Lorsqu'il nomme comme son père, celui qui semble être son kidnappeur, l'estomac de Felix se retourne, lui faisant une nouvelle fois ravaler ses larmes. Il ne peut pas accepter qu'un autre soit appelé comme tel. Son absence de réponse au sujet d'un quelconque doute était bon signe pour lui. Peut-être que finalement, il reconnaissait un tant soit peu qu'il pouvait être son père.
« Tu crois que je lui laisserais l'occasion de vous faire du mal ? Ton fils est ton fils, jamais, écoutes moi bien, JAMAIS, je te ferais enlever ton enfant. Je sais trop ce que c'est pour ça. Ton... père, je ne sais pas ce qu'il a pu te faire, ou vous faire, mais il n'est pas intouchable. Tu n'peux pas fuir toute ta vie, il faut bien que tu souffles. »
Il tente une nouvelle approche auprès de son fils. Felix s'éclaircit à nouveau la voix. « Je veux juste, apprendre à te connaitre. Pas toi ? »

Il avait toujours l'impression d'étouffer, Remus. Il ne voyait qu'une atmosphère étouffante, comme si la vérité sonnait comme une punition. Willy allait lui en vouloir. C'était comme si Remus voulait se débarrasser de lui. Mais il n'avait pas fait exprès. Non, il n'avait pas fait exprès de retomber sur sa famille biologique. La culpabilité le rongeait de plus en plus. Il allait mourir, c'était certain. L'homme en face de lui, c'était son père. Mais il n'arrivait pas à l'assimiler. Son père, c'était celui qui l'enfermait au grenier, parfois à la cave. Celui qui lui faisait payer la mort de sa mère, et peut être même son existence sur la terre. Il ne savait pas trop quoi faire. Il se calma un peu et répondit d'une voix blanche:

"Pas vous... mais les autres... on va dire que je l'ai kidnappé... "

Les larmes coulèrent de nouveau. Il n'avait plus la force de les arrêter. Il n'avait plus la force de rien. Peut être qu'il était fatigué de se cacher. Peut être que c'était le signe qu'il arrête de vouloir fuir. Il écoutait ses paroles, ce qui fit redoubler ses larmes.

"Willy... n'est pas à moi... je l'ai juste sauvé.... à 9 ans, j'ai du apprendre à être un père et à m'occuper d'un bébé.... C'est tout comme .... mais il a des parents lui aussi... je veux pas être séparé de lui... c'est pas juste ce qui arrive.... "

Remus était à bout de nerfs, fatigué par tout ça. Il n'arrivait plus à réfléchir. Ce qui arrivait, il n'avait pas le droit de le vivre avant Willy.

"Il va croire que je veux l'abandonner... On aurait jamais du venir ici... "  

Sa vie avait prit un nouveau tournant. Encore. Felix se retrouvait en face de ce gamin perdu, qui avait, à ce qu'il pouvait déjà comprendre, subit divers traumatismes que lui ne pourrait jamais faire disparaître. Mais c'était son fils, et il le prendrait comme il est, même s'il est adulte, même si le lien sera encore plus difficile à faire vingt deux ans plus tard.
Cette fois, c'est le quarantenaire qui est largué. Il reste le regard interrogateur alors que Remus s'explique, enfonçant Felix dans un mauvais rêve à chaque nouveau mot prononcé. Il passe la main dans ses cheveux. Franchement, qu'est-ce qu'il peut faire ? Qu'est-ce qu'il doit faire face à de telles révélations ? Le petit est aussi un enfant kidnappé... Qui dit que maintenant que cet individu a perdu les deux – ou plus – garçons qu'il a enlevé, il ne va pas recommencer ? Ou ne l'a pas déjà fait ? « Viens, assis toi. » qu'il fait en lui écartant une chaise, espérant réussir à le consoler. Felix n'a jamais aimé voir les gens pleurer. Une certaine empathie qui marche d'autant plus lorsqu'il s'agit de ses proches. « Dis toi que tu n'y es pour rien dans tout ça. Je n'veux pas te dire ce que tu dois faire ou quoi, mais il y a une chose, c'est que tu as le droit de penser à toi tout en pensant à cet enfant. » Les informations étaient passé avec trop de force dans son cerveau pour qu'il ne se souvienne du prénom du petit. L'injustice de ce monde le frappait une nouvelle fois de plein fouet. Il n'y avait pas de question de quoi faire. La seule chose était que l'enfant aussi avait des parents qui ont du souffrir le martyr en le perdant comme lui avait perdu Tate.
« Ecoute, pour l'instant il est avec toi, il est sain et sauf et personne n'abandonnera personne. C'est pas parce que je te parle aujourd'hui que tout va changer en un claquement de doigts. Il a des parents, tu en as aussi, mais tu n'es en rien fautif de ce qui est arrivé jusqu'ici. »

Remus était perdu, tout se mélangeait dans sa vie et dans sa tête. Il lui demanda de s'asseoir à ses côtés. Remus obéit, un peu méfiant. Est-ce que tous les pères étaient pareils à celui qu'il avait vu? Il avait enfin parlé à quelqu'un de la situation avec Willy. Ca l'avait soulagé un peu, mais pas vraiment en fait. Il avait mis sa famille en danger et maintenant, chacun allait devoir retrouver sa famille. Remus était égoïste. Il ne pensait qu'à lui et à ses peurs mais Willy avait aussi une famille qui devait l'attendre. "Je ... je veux qu'il reste avec moi... je l'ai élevé... c'est mon fils... pas le leur.... " ll se rendit compte de ses paroles. Et il se détesta aussitôt. " je voulais pas dire ça... Je suis désolé..." . Remus se calmait petit à petit mais il avait sa peur d'enfant qui était revenu. Qu'allait-il devenir? Est ce que tout allait changer dans sa vie? Non, il venait juste de le rassurer avec ses mots. Tout n'allait pas changer maintenant.

Pourtant Remus avait peur au fond de lui même. Il n'était pas rassuré. Il avait peur pour Willy aussi. Et bizarrement, il avait peur de mettre son employeur en danger, avec toutes ces révélations. Il ne savait plus quoi penser, ni quoi dire. Encore moins comment agir. Fuir? Non, ça devenait impossible d'un coup. Mettre Willy en sureté et retourner à Chicago? Comme pour se punir d'avoir été aussi égoïste. Ou alors demander de l'aide à l'homme qui était à côté de lui? Mais peut être que maintenant qu'il avait vu à quoi ressemblait Remus, il ne voudrait plus le voir. Il n'était peut être qu'une énième déception comme son père lui répétait toujours.

"Tout a déjà changé...." lança Remus d'une voix absente. " Et ça va mal finir.... Il va revenir nous chercher...et il me tuera... Il a déjà voulu le faire, il n'hésitera plus maintenant... "  

Il aurait pensé que d'être assis, il aurait pu se calmer, et lui-même, bouillonnant de terreur, de joie et d'impuissance, espérait que poser son cul sur une chaise l'aurait empêché de se sentir mal face à la vie que lui exposait son fils. Comment savoir de quelle manière parler à un enfant qu'on a tenu seulement une fois dans ses bras avant qu'il ne disparaisse à tout jamais, ou du moins, jusqu'à aujourd'hui ? Les traits crispés de Felix, ne firent que se raidir de plus lorsque la voix du jeune homme entonna des mots qu'il ne s'attendait pas d'entendre. Il était surpris Atkins, il voyait que dans ses yeux, ce n'était pas une lueur de violence mais bien de la peur. Et il se raccrochait à ça en se disant que cet homme ne l'avait pas rendu comme lui. « C'est rien... c'est rien je t'assure. » qu'il dit en se levant pour reprendre la bière qu'il avait posé un peu plus loin, laissant une main amicale se poser sur l'épaule de Remus un court instant. En fait, quoi qu'il dise, quoi qu'il ait pu faire, il lui restait l'envie de le serrer dans ses bras, comme on le lui a si bien ôté le droit de faire des années plus tôt. Il prend une gorgée de sa bière avant que Remus ne reprenne plus calmement.

Il n'en doutait pas, Felix, que l'homme allait les retrouver s'il le voulait. Remus avait choisi de revenir dans cette ville, assez petite pour que presque tout le monde l'ait déjà vu passer en au moins un mois. Avec une légère exagération, mais toujours est-il qu'il n'était pas difficile à retrouver s'il avait l'idée de le chercher ici. Et s'il avait le malheur de se pointer... Il le tuerait. Felix y a pensé des centaines de fois, à le butter s'il le croisait. Même s'il sait que son âme l'en empêcherait. « Non. » Il fait signe de la tête, le regard convaincu, reposant la bouteille sur la table en bois. « Il te tuera pas, ça je peux te le garantir. Mais si par hasard il vient à te retrouver, il y a shérif ici, il y a des lois, et entre tout ça, il y a moi. » Il se rassit en face de Remus, les avant-bras posés sur les genoux. « J'ai pas pu te protéger quand tu es né... » il se frotte un œil alors que ce dernier menace de laisser échapper une larme. « je n'aurais jamais pensé qu'une telle chose pouvait arriver, dans une si petite ville. Pendant des années je t'ai cherché, ma femme a fini par me le reprocher, on a cru que j'étais fou chaque fois que je pensais avoir une piste. Cet homme doit finir ses jours en prison, pour ce qu'il t'a fait, pour ce qu'il a fait à l'autre enfant qu'il a kidnappé, et pour ce qu'il nous a fait. Quoi qu'il en soit... » il se lève une nouvelle fois, partant dans un sens et dans l'autre pour finalement s'emparer d'une petite carte de visite à son nom et celui de la scierie, y ajoutant devant Remus, son numéro au stylo. « C'est mon numéro personnel. Tu peux m'appeler, nuit et jour, si tu le vois, ou même seulement si tu crois le voir, d'accord ? » Il reprend sa respiration qu'il semble avoir perdu entre tout ces mots, lui qui n'est pas un grand orateur. Peut-être, se dit-il, qu'il pourra l'appeler juste parce qu'il est son père.

Remus semblait soudainement fatigué, perdu. Il n'arrivait toujours pas à croire les paroles de son employeur. C'était comme s'il rêvait. Il allait peut être se réveiller dans son lit, en sursaut, comme il le faisait depuis des années maintenant. Alors il se contenta d'écouter, laissant les mots entrer en lui. Il voulait se sentir en sécurité et il avait l'impression qu'il pourrait l'être ici. Peut être était-ce les mots. Peut être était-ce autre chose, il n'en savait rien. La peur l'habitait encore. Il aurait voulu lui dire, mais non, il ne devait pas se plaindre. Parler à un inconnu était interdit. Même ici. Lorsqu'il sentit sa main sur son épaule, Remus sursauta et il s'éloigna par instinct de protection. Il avait peur. Peur que l'homme en face de lui ne soit comme son père, violent. Il avait peur de beaucoup de choses et il se sentait lâche.

Pourtant, il essayait encore de le rassurer en lui disant que son père ne viendrait plus le tuer, ici. Remus devrait se rassurer mais il savait comment son père pouvait être. Il était rusé, il savait manipuler, faire semblant que tout allait bien. Et quand Remus criait un peu trop fort, malgré qu'il soit dans la cave, il savait rassurer les voisins en disant que Remus avait été maladroit et qu'il s'était fait mal. Tous ses souvenirs remontaient en flash devant ses yeux. Mais il ne montra rien, juste de la peur, beaucoup d'angoisse. Lorsqu'il parla de la police, Remus dit alors:

"Non... si je vais à la police, il nous tuera tous les deux.. ou pire encore, il emmènera Willy et dira que tout est de ma faute..."

Dans sa tête, les pires scénarios s'installaient. Il prit quand même la carte et entendit les recommandations. Mais il ne voulait pas le mettre en danger, alors il ne le ferait pas. Il se blottit sur sa chaise et il tenta de rester , pour ce qui lui semblait être en sécurité, en étant sûr qu'on ne le tirerait pas dans la cave pour lui faire payer.

"Je veux pas y aller... Je veux pas y aller..... j'ai rien dit...." Il vivait son cauchemar, perdu dans ses souvenirs les plus sombres. Il ne distinguait plus la réalité.  

Il ne lui en voulait pour rien, ni pour le mouvement de recul qu'il avait eu lorqu'il avait posé sa main, ni pour les terreurs qu'il continuait de s'affliger à lui-même en se disant que son kidnappeur allait le tuer lui, et l'autre enfant. Et ça lui faisait mal, à lui, d'entendre ça et de ne pouvoir rien faire de plus que le consoler. Il sent bien, il n'est personne pour lui. Il pourrait dire une seule fois à sa fille qu'il sera là pour la protéger, elle n'a pas besoin de plus de preuves pour le savoir, parce qu'il le lui a prouvé à maintes reprises, contre son gré. Son cadet aussi, mais Tate, ou Remus, il ne le voyait même pas. Ni comme un père, ni comme un ami, ni comme quelqu'un sur qui compter. Il n'est rien. Sur ces derniers mots, Felix ne s'avance plus vers lui. Il a la sensation de le faire refermer sur lui même à chaque mot, à chaque geste envers lui. LA seule chose dont il ne se rend pas compte, c'est qu'il s'est confié à lui, mais ça semble insuffisant pour lui. « Tu n'iras pas à la police ! Tu n'iras pas Remus. » fit-il en finissant sa bière. Il avait au moins la chance de pouvoir des diziaines de bières sans que ça ne le trouble plus que ça - en dehors de sa vessie. L'entrainement sans doute. Lui pensait à la police seulement s'il venait à le voir ou à être attaqué par son kidnappeur.
Dans une dernière pensée désespérée, il oublia qu'il pouvait même mettre ses autres enfants en danger, mais il fit cette proposition sans aucune hésitation. « Tu as peur, est-ce que tu veux rester ici quelques temps, avec Willy, on a assez de place pour ça, et ne pas être seuls, ça pourrait vous aider tous les deux... »

Pouvait-on être perdu à ce point? Remus ne l'aurait jamais pensé. Il venait d'apprendre ce que c'était qu'un vrai père. Il aurait du être heureux mais tout ça ne semblait pas réel. Peut être que c'était un rêve, qu'il allait se réveiller dans le grenier ou dans son lit en sursautant comme d'habitude. Mais quelqu'un ne pouvait pas lui montrer de l'attention et de la gentillesse comme ça. C'était impossible, parce que Remus croyait que ça n'existait tout bonnement pas. Quand tout allait bien, son père l'ignorait, le laissait tranquille en haut, dans le grenier. Et Remus s'occupait de Willy. Et quand Willy ou Remus faisait un peu de bruit ou un pas de travers, Remus avait l'impression d'entrer en enfer. La douleur, il s'en souviendrait toujours. La peur aussi. Et surtout ne rien montrer à Willy. Toujours faire semblant que tout allait bien. Ca, il en était capable.

Lorsqu'il revint à la réalité, il entendit les mots de son employeur. Non, il n'était pas son employeur. Il était quoi? Son père? Remus avait du mal à le croire. Il ne savait même pas comment le nommer. Et c'était encore pire que le reste. Il avait même eut peur de lui. Et là, il lui proposait de venir vivre ici, avec Willy. Il ne pouvait pas accepter. Il n'avait pas le droit de faire ça à Willy. Il était perdu, il avait besoin d'air. Sans répondre, il se leva et sortit presque en courant, dehors, dans le jardin. Des larmes silencieuses, coulaient une nouvelle fois, le long de ses joues. Il n'arrivait même plus à savoir ce qu'il ressentait. C'était comme si sa vie s'écroulait. Comme si on lui avait vidé toute sa mémoire. Il ne savait plus rien. Il se laissa alors tomber à terre, à regarder sans regarder ce qu'il avait commencé. Il aurait voulu que son fils soit là. Qu'il puisse le prendre dans ses bras, lui demander pardon. Mais non, Willy était plus en sécurité à l'école et Remus avait l'impression que le monde allait l'engloutir.

Peut être son esprit était-il en train d'accepter les mots de celui qui avait tout fait pour le rassurer. Il n'avait pas parler, il n'avait rien dit, il était parti comme un voleur mais il avait eu peur d'étouffer. Et maintenant, il ne savait même plus qui il était. Avant, il avait su qu'il avait été kidnappé. Juste par les mots de l'homme qui l'avait élevé. Et aujourd'hui, on lui confirmait cette information. Remus ne savait plus qui il était. Il ne savait plus rien. Et le choc d'avoir retrouvé sa vraie famille, n'était pas passé. On lui avait dit que de toute façon, personne ne voudrait de lui, il était un monstre. Et encore une fois, on lui avait démontré le contraire. Alors il ne savait plus quoi faire ou quoi dire. Il regardait juste la terre fraîchement retournée, avec des idées sombres, bien trop sombres pour un garçon de 22 ans.  

Tout se mélangeait dans sa tête. Ce qu'il pensait, ce qu'il se disait qu'il devrait faire, et ce qu'il aurait du faire.  Il n'aurait pas du lui dire, il n'aurait même pas du l'inviter à boire quelque chose, parce qu'au final, il avait fait plus de mal que de bien à ce pauvre enfant perdu. Il tournait en rond dans sa tête, se disant que rien ne pouvait être mieux que ce qu'il avait déjà. Il l'avait retrouvé. N'aurait-il pas pu se contenter de l'épier encore derrière sa fenêtre en le laissant vivre comme il le pouvait, avec l'épanouissement de s'occuper de son jardin. Tout deux étrangers. Lui aurait souffert en silence dans son coin, mais il ne l'aurait jamais fait pleurer, il ne l'aurait jamais paniqué non plus.
Il arrivait encore à espérer qu'il arrive à le voir, qu'il lui laisse l'occasion d'être là pour lui, même de loin. Oubliant qu'il avait un gosse kidnappé lui aussi à sa charge. Cependant, quoi qu'il en soit, il ne sait plus quoi faire Felix, respirant le malheur à chaque mot qu'il prononçait. C'était la première fois qu'il se sentait être un père aussi minable. Le problème, c'est qu'il n'était pas vraiment son père en fin de compte. Comme le garçon semblait le croire, il est juste son employeur, un étranger qui en demande plus qu'il ne pourra jamais avoir.

Remus s'enfuit, lui ne décolle pas tout de suite, mais saute de sa chaise pour aller à sa suite. S'imaginant déjà l'appeler dans la rue, alors qu'il le rattrapa dans le jardin. Cette fois, c'est lui qui se plaque contre le mur de la maison, le regardant, la voix figée dans sa gorge. « Je suis désolé Remus. Peut-être que je n'aurais pas du... » il se coupe. En fait il ne sait pas ce qu'il aurait du faire ou ne pas faire, parce que dans tout ces films, la fin était heureuse, mais il n'avait pas l'impression qu'ici, il en serait de même.

Qu'est-ce qu'il avait fait? Il était parti, comme si s'échapper de nouveau allait l'aider. Mais il ne fuyait pas le méchant. Il se fuyait lui même, la vérité également. Il avait peur, peur de tout perdre. Il avait également peur de mourir, et encore peur de pleins d'autres choses. Il était comme tétanisé, attiré par ce jardin. La liberté à ses yeux. Les larmes arrosaient la terre retournée, les pensées se bousculaient dans sa tête. S'il ne faisait pas confiance à ce qu'il avait entendu, jamais il ne pourrait tourner la page. Il serait bloqué dans ce passé, apeuré qu'on l'y replonge encore plus violemment. Mais il n'avait pas le droit de s'approcher de cette vérité. Il agissait égoïstement. Et Willy dans tout ça? Comment lui expliquer qu'il avait retrouvé sa famille et pas lui? Comment lui expliquer qu'il était dans la ville, inscrite dans le dossier. Ils avaient fui pour protéger Willy. Il y avait 4 ans, il n'avait aucune idée qu'il allait se produire ce qu'il était en train de se produire. Pour Remus, c'était impensable. Il entendit à nouveau sa voix, ce qui le sortit de sa tétanie. Il se releva et il plongea son regard dans celui de son..vrai père. Ce qu'il ne voulait pas voir, il le voyait. Ce qu'il ne voulait pas penser, il le pensait. Il n'était que contradiction.

Impulsivement, il alla vers lui, la crainte était levée provisoirement. Mais il avait besoin de ce qu'il avait toujours demandé et qu'il n'avait jamais eu. Il se blottit contre lui, sans un mot, l'esprit encore loin. Il était confus et perdu mais il avait besoin d'un peu d'attention. Ce n'était qu'une confiance provisoire qu'il lui accordait. Il ne le connaissait pas. Mais qui était l'inconnu entre les deux hommes qu'il avait dans sa vie? Son corps tremblait légèrement. Il espérait juste que son père n'allait pas faire comme l'autre et le balancer dans la cave noire, juste pour un mot qu'il ne fallait pas dire. Remus voulait parler mais il ne savait pas quoi dire. La tétanie le reprit, il ne pouvait plus bouger. Willy... oh Willy je suis désolé, pensa-t-il avec force. Même les larmes s'arrêtèrent de couler.

"Au secours... à l'aide..." murmura-t-il alors. Ce qu'il aurait du faire 4 ans plus tôt ou encore mieux, 5 ans plus tôt, quand il était chez les policiers. Demander de l'aide. Il était fatigué et seul, il ne pouvait plus lutter. L'enfant qu'il avait fait taire durant des années se réveillait-il en lui? Remus ne le savait pas. Il ne savait plus rien.

"Je n'y arrive plus... on y arrive plus... on ne peut pas vivre normalement.... " continua Remus qui ouvrait les yeux sur sa jeunesse face à la situation. "J'y arrive plus... j'arrive pas à être le père qu'il faut pour Willy..." Pour la première fois, il préférait abandonner. Il voulait que Willy, lui aussi, retrouve sa vraie famille. Il voulait son bonheur à lui aussi. Et ce n'était pas en le privant égoïstement de sa famille qu'il allait le rendre heureux. Remus venait de le comprendre à l'instant.  

Deux hommes dans la peine, chacun pour la même raison, non menée sur le même chemin. Le plus jeune, torturé dans son coeur et son âme, et le père, mené par milles et milles espoirs qu'il avait gardé, seul tout ce temps, abandonné par tous. La femme qu'il avait aimé était partie pour ça, et aujourd'hui, il avait l'impression que ce n'était pas si loin, toute cette période d'horreur, où il perdait tout. Alors il demandait au jeune homme de l'excuser, pour avoir réveillé toute ces choses, aussi bien en lui qu'en lui-même. Autant pouvait il être doué avec le bois qu'avec les sentiments, enfants compris, il était devenu rustre et bien bête.
Le silence ne fut pas long, ou du moins, ce temps de pause où ils semblèrent penser à l'unisson. Que pouvait bien avoir en tête Remus ? Qu'est-ce qu'il avait bien pu vivre pour être ainsi meurtri ? Même son imagination ne voulait pas y penser. Ils se regardèrent, Felix tentant de le retenir par un dernier regard. Il croyait bien qu'il se remettrait à courir et qu'il ne le reverrait plus jamais. Mais le gamin vint se blottir contre lui, et cet instant même, il resta figé, n'y croyant plus. Est-ce que tout ça était réel. Il finit par mettre son bras autour de lui, comme il le ferait pour son plus jeune. Le gamin est tremblant, il n'est pas loin de trembler lui aussi. Il était tellement heureux et triste dans son coeur en même temps. Il n'arrivait pas à faire taire cette voix qui lui disait qu'il ne pourrait jamais le rendre heureux.
« Je suis là, ne t'inquiètes pas. » qu'il répond à voix basse avant que Remus ne se repose vraiment sur lui dans un aveux qu'il ne pensait pas entendre. Il ne voulait pas s'emballer. « Dis toi que tu fais déjà de ton mieux, tu as besoin d'être épaulé. Et peut-être que lui aussi pourrait retrouver ses parents, quand vous serez prêts... » Parce qu'il n'était pas sûr que de le séparer d'un enfant dont il s'était occupé depuis petit, dans l'immédiat, était la meilleure des solutions. Il lui laisserait prendre les décisions, parce que lui, tout ce qui lui importait, c'était le bien et la sécurité de son enfant.

C'était un nouveau sentiment qu'il ressentait. Il n'avait jamais ressenti autant de sécurité. Il n'avait jamais pensé qu'un jour, il pouvait ressentir ça. Et ça l'avait aidé à se confier, à dire ce qui n'allait pas. Remus commençait à se sentir faible. Il était pas bien. Ni dans sa tête, ni dans son corps. Il voulait que le bonheur de Willy, mais il n'était pas sûr que c'était ça qui allait l'aider réellement. Être séparé de Willy allait le rendre malheureux. Mais est ce que Willy n'était pas malheureux de ne pas savoir qui il était vraiment? Remus n'en savait rien mais il voyait déjà ce que ça faisait de comprendre qu'on était pas celui qu'on croyait. Il n'était pas le père de Willy, il faisait que reprendre le rôle de leur ravisseur. Et ça, ça lui faisait peur. Il avait peur de tellement de choses qu'il avait l'impression qu'il allait s'effondrer dans les bras de celui qui était réellement son père. Et il cacha son visage contre l'homme qu'il le tenait. Il agissait comme un enfant. Il n'était qu'un enfant perdu dans un monde hostile. Mais il lui faisait confiance. Il lui avait dit qu'il allait l'aider.

"J'ai pas le droit de le priver de ça... ni lui... Ni ses parents.... je voulais pas qu'on soit séparé parce que j'avais peur de me retrouver seul.... Je l'ai élevé pendant 14 ans... j'ai voulu qu'il connaisse la paix et pas la peur comme moi... Quand il me frappait devant Willy je ne disais rien pour ne pas l'effrayer... "   

Il avait besoin de parler, mais il n'avait pas le droit de tout dire. Alors parler de Willy était un moyen de lui dire son histoire mais pas trop.

"Je peux plus gérer tout seul... Je n'y arrive plus, je suis fatigué... c'était comme si j'en avais assez..."

En un instant, tout avait basculé. Remus était dans ses bras, comme s'il savait depuis toujours qui il était pour lui, et Felix n'était pas certain d'arriver à le lâcher un jour. La joie n'explosait pas encore dans son cœur, il sentait de trop que le jeune homme était faible, et que n'importe qui pourrait s'amuser de cette faiblesse. Alors il serait là pour qu'il se reconstruise, qu'il devienne plus fort et adulte, comme il aurait du le faire si on ne lui en avait pas enlevé le droit. Et les projets dans sa tête venaient à se faire comme si leur vie pouvait reprendre là où elle s'était en quelque sorte arrêtée. Des sorties en famille, des rires, des disputes, lui offrir la vie qu'il souhaite comme il le souhaite...
Il avait des paroles censées, des paroles d'adulte même. Willy était comme un fils, et il pouvait le comprendre, Felix. Les responsabilités lui avaient pourtant été imposées trop tôt, mais ça ne semblait pas être le pire. La rage se réveillait dans le cœur du père qu'il est lorsqu'il entend le témoignage de son enfant. Enfermé, frappé, il priait encore pour qu'il ne l'ait pas abusé. « On ne te fera plus jamais de mal, je te le jure, Willy non plus. Je suis sûr que ses parents doivent être dans le même état que moi. » Forcément, il ne lui disait pas mais la police serait forcé d'apprendre cette nouvelle pour que les parents soient retrouvés, de même que le kidnappeur. Il serait recherché et l'histoire serait close, mais pas dans la tête de ces deux familles brisées par cet homme. Et Felix, il s'en voulait de n'avoir pas été plus intelligent que la police, d'avoir fait ces escales en vain à la recherche d'un fils qui était caché dans une pièce avec un autre enfant. « Tu as besoin de repos et qu'on s'occupe de toi le temps que tu puisses souffler par rapport à tout ça. » Il attendrait pour lui parler de toute ces choses administratives qu'ils allaient devoir faire avant qu'il ne retrouve la paix, il voulait le laisser se confier, en cessant de l'étouffer dans cette étreinte qu'il lui laissa plus libre pour qu'il ne se sente pas encore prisonnier.