i knew you were trouble (leith)

Son index pianotait nerveusement sur la table boisée au rythme de son pied gauche exécutant la même mélodie. Jo toisait l'horloge pendue à son poignet, elle en admirait le splendide ornement, les courbes taillées dans l'acier et le cadran à l'air usé. Elle sirotait un café serré, sans sucre ni lait - son troisième depuis le levé du soleil - à la terrasse d'un bar animé. Quelques cernes s'esquissent sous ses yeux, habilement dissimulées sous une couche légère de maquillage, mais la corde du temps s'effile et le succès n'attend plus qu'elle. Cependant il y autre chose ; autre chose qui lui laissa un bouquet amer à ses lippes rosées, et anima la nervosité qui fourmillait dans ses doigts. C'est la colère qui guida ses pas à travers le parc, au point de rendez-vous dont ils avaient convenu. Elle avait troqué son tablier du Milo's diner contre un jean, un pull orangé et une veste en cuir sombre, et sied à la saison. Elle tenait entre ses doigts une tasse de café tiède qui lui était destinée. Lorsque la silhouette de Leith se dessina à l'extrémité de l'allée, ses lèvres s'écorchèrent dans un faux sourire. « Salut. Bien dormi ? » demanda-t-elle, sans cacher une référence à la précédente nuit qu'ils ont passé ensemble. Elle jeta un oeil de droite à gauche, et reposa ses pupilles noires sur lui. « Je t'ai apporté du café. » fit-elle, avant de lui en jeter le contenu à la figure, un air satisfait étirant une première fois ses traits. Le liquide n'était pas assez chaud pour le brûler, néanmoins elle espérait avoir obtenu l'effet escompté - il lui faudra passer quelques longues minutes dans la salle de bain pour en retirer jusqu'à la dernière tâche, peut-être aura-t-il l'occasion de méditer sur ses actions. « J'imagine que j'ai fait bonne impression auprès de ta fiancée. Non pas que j'accorde de l'importance à ce qu'elle peut penser de moi, par contre j'apprécie moins que tu m'utilises pour ton p'tit jeu débile. » qu'elle jeta sèchement avant de pincer les lèvres, les sourcils dressés comme si elle attendait en vain ses excuses.

La nuit avait été longue, très longue. Leith n’avait cessé de penser aux yeux clairs et aux joues écarlates de sa tendre fiancée. Dans la matinée il avait proposé à Joan, cette jeune et jolie serveuse de le rejoindre chez lui. Jamais il n’invitait de filles dans son appartement. Cela lui donnait l’impression de fissurer sa carapace et de laisser entrevoir la fragilité de son être. Il avait alors rendu l’espace moins accueillant, retirant toute décoration et objet personnel et avait bien entendu fermé la porte de son atelier/chambre noire. Il refusait que Joan découvre ses photographies qui étaient selon lui trop intimes. Le plan de Leith avait fonctionné comme il l’avait imaginé. À l'arrivée de son amie, il avait laissé la porte ouverte. Toutes deux avaient parlé comme des amis, ce qui était peut-être le cas après tout ? Joan était une fille attirante et charmante, Leith appréciait beaucoup sa compagnie. En particulier quand il avait le cœur lourd et ressentait le besoin de lui confesser ses péchés. Ce qu’il aimait le plus en elle, c’était sans doute sa fougue et sa confiance en elle. Très vite leurs vêtements avaient disparu, après quelques verres de vin et de douces paroles Leith avait obtenu ce qu’il désirait. Bien que le meilleur arriva tardivement. Mia s’était présentée à sa porte, et comme il l’avait prévu elle était entrée en découvrant la porte ouverte. Ce genre de fille était prévisible. Elle avait sans doute entendu les gémissements des deux amants et comme il l’avait pensé, Mia avait poussé la porte de sa chambre. Leith n’avait pu cacher son sourire victorieux en continuant à satisfaire sa partenaire et en dévorant du regard Mia. Ses joues s’étaient colorées d’une merveilleuse couleur comme ses lèvres avaient formé un magistral « o ». Il ne fallut que quelques minutes à la jeune femme pour s’enfuir. Bien sûr Joan avait parfaitement entendu que quelqu’un les avait surpris. Lorsqu’elle avait demandé, Leith avait simplement dit qu’il s’agissait de sa fiancée.

Leith patientait depuis cinq minutes. Le jeune homme avait proposé à Joan de se retrouver près de son lieu de travail pour aborder ce qui s'était passé la nuit dernière. Leith n’avait aucun remords, il avait voulu se venger de sa jeune fiancée qui avait accepté docilement de l’épouser sans aucune opposition. Bien qu’il savait que Joan aurait pu être épargnée dans cette histoire. Encore une fois il avait pensé et agit par pur égoïsme et ne pouvait regretter ses actes. Joan était pourtant plus qu’une simple fille avec qui il couchait de temps en temps. Il sourit faiblement lorsqu’il l’aperçut, abordant un sourire il commença à se dire qu’elle ne lui tiendrait « Bonjour ma belle, pas vraiment, et toi ? » lui répondit le photographe. « Merci, c’est… étrangement adorable pour le café. » Leith regarda la jeune femme, il n’y avait aucune trace de contrariétés concernant la nuit dernière. Il trouve cela assez surprenant, il savait que s’il était à la place de Joan il aurait réagi d’une autre manière, mais après tout ils n’étaient pas ensemble alors pourquoi s’énervait ?

Puis tout se passa comme dans un film. D’abord il remarqua la lueur de colère dans les yeux de la jeune femme puis il se décomposa en voyant le liquide brun voler dans les airs pour atterrir sur lui. Il mit quelques secondes avant de reprendre ses esprits « Mais bordel Joan ! Qu’est-ce qui te prend putain !? » Hurla le photographe en frottant ses yeux et se rapprochant de la jeune femme. Il écarquilla les yeux quand elle mentionna la fiancée « D’ordinaire ça ne te dérange pas de jouer à mes petits jeux » répliqua le jeune homme un sourire cruel sur les lèvres. « Cette fille avait besoin d’une leçon. Elle avait besoin de savoir qu’on ne m’ordonne pas d’épouser une parfaite inconnue. Tu as été impliqué là-dedans, mais ne me dis pas que tu n’as pas gagné à venir chez moi. » Leith passa nerveusement une main dans ses cheveux et détourna le regard : « Et puis c’est quoi cette foutue solidarité féminine avec elle !? Tu ne la connais pas, tu ne sais rien d’elle alors arrête de jouer les… justicières ! ». Leith non plus ne savait rien d’elle, il avait juste eu besoin de lui exposer sa noirceur pour qu’elle l’oublie et continue sa vie sans lui.