(queen of peace)

(001), The Odyssey. Petite librairie dont Rose a hérité à la mort de son père, en juillet 2018, à la suite d'un arrêt cardiaque. La marque de cette disparition est encore fraîche, écarlate et douloureuse, et Rose peine à être à la tête de ce navire qui prend l’eau. Vivant avec la peur au ventre du matin au soir, elle est pourtant attachée à ce souvenir, à ce bien matériel que son père a laissé et qu’elle se doit de reprendre en main. Alors, elle travaille, elle se débat – et elle se noie. Rose est nostalgique d’un passé révolu, d’une mort dont elle ne parvient pas à faire le deuil, et d’une vie agréable et désinvolte autour de laquelle ses responsabilités n’étaient qu’égoïstes. (002), Car il y a Alice aussi – sa sœur, de dix ans sa cadette. Elles n’ont rien en commun ; là où Rose essaie d’être mature, Alice s’abandonne au chagrin et fait tourner son aînée en bourrique. Si Alice est une adulte, et n’a donc techniquement aucune leçon à recevoir de la part de sa sœur, Rose essaie tant bien que mal de la recadrer. Sous ses yeux ébahis (et un tantinet effarés), sa cadette s’effondre, flanquée d’idéaux étranges et d’un malsain goût pour le danger et l’incertitude qui tend à se développer. (003), Son père était criminologue. Profession qu’il adorait mais qu’il a quittée lorsque Rose est née, afin de soutenir sa femme Susan qui supportait mal la maternité. Et c’est ainsi que Jacob Whittaker quitta Nashville et revint en ce lieu qu’il avait tant cherché à quitter, à ce jour synonyme de renouveau – de nouveau départ. L’amour qu’il portait à Mount Juliet était teinté d’amertume, l’horreur au ventre et ses ambitions avortées au profit d’une vie de famille qu’il tenait absolument à conserver. Envers et contre tout. Là, il essaya de rebâtir un bout de sa vie d'antan, en achetant une petite échoppe qu'il transforma en librairie spécialisée en criminologie. Cependant, lorsque sa femme abandonna leur famille à la naissance d’Alice, sa bataille contre l’anxiété et la dépression l’ayant emporté sur son désir de faire ses preuves, Jacob ne quitta pas le lieu qu’il l’avait vu naître. Il n’y songea même pas. (004), Flanquée d’un idéalisme assourdissant et d’ambitions diverses, Rose n’a toutefois quitté Mount Juliet qu'une seule fois, lorsque ses rêves lui semblaient encore accessibles. Avant la mort de son père, cette possibilité lui refaisait de l’œil mais maintenant, l’idée de découvrir le monde lui semble bien égoïste. Elle a des responsabilités, s’en donne plus qu’elle ne le devrait, et s’inquiète. Oublie de vivre. L’horizon, qu’elle voyait comme une tentation, n’est dorénavant plus qu’une perversion dont elle doit se passer. (005), Rose est seule, car elle se répugne à demander de l’aide. Une telle attitude de sa part lui donnerait l’impression de quémander la charité, et surtout le temps, de ceux qui ont probablement mieux à faire. Elle se victimise, vacille et s’interroge inlassablement. Le désespoir est prenant, palpable, et occupe à présent la majeure partie de sa vie. Rose se sent sous le joug d’une existence qu’elle n’avait jamais demandée, et qu’elle aurait pu facilement écarter d’un revers de main – mais ce n’est jamais aussi simple. (006), Avant d’être à la tête de The Odyssey, dont elle est d’ailleurs la seule employée – au vu de l’agencement des lieux il lui aurait été bien compliqué d’embaucher quiconque, Rose était serveuse. Il y a de ça une dizaine d’années, à l’aube de ses vingt-et-un ans, elle partit comme tant d’autres à la conquête de Los Angeles, certaine qu’une fabuleuse carrière de comédienne l’attendait au tournant. Elle n’y resta que quelques mois, et revint bredouille. Premier élan dans un monde cruel qui ne lui fit aucun cadeau ; comme traumatisée par l’échec et la peur de s’y reperde, les rêves de Rose s’effondrèrent. Elle enchaîna les petits jobs comme si elle cherchait à être libre de toute attache, mais ne remit jamais un pied en dehors de Mount Juliet. (007), La peur au ventre, Rose est esclave de ses émotions. Elle n’est jamais parvenue à les faire taire et, depuis toujours, c’est l’effroi qui prime. Peur de partir, peur de claquer la porte, peur de gueuler, peur de se faire entendre – elle n’veut pas attirer l’attention, et garde ses opinions pour elle. Sa bouche est scellée, et ne s’entrouvre jamais. On pense qu’elle est une force tranquille, qu’elle sait ce qu’elle fait – il n’en est rien.

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