((little dolls))

tiens toi droite, barbara.
ne pose pas tes coudes sur la table, barbara.
fais attention à ton langage, barbara.
soupir discret au bord des lippes, tu te redresses sur ta chaise, décroise tes jambes et prends garde à ne pas offenser un peu plus ton père pour ce soir. t'as pas franchement envie de te prendre la tête, pas envie de t'en prendre plein la tête une nouvelle fois. tu fermes les yeux quelque courtes secondes, le temps que l'ont te serve le repas de ce soir. mais tu n'as pas vraiment faim, t'as juste une boule dans l'estomac et tu te sens incapable d'avaler quoi que ce soit. vraiment incapable. tu prétextes un violent mal de ventre, tes mèches blondes tombent sur ton visage. tu montes finalement te reposer dans ta chambre, sans avoir touché à ton assiette. et tu essayes de te souvenir comment tout ça a pu arriver.

un verre, ça te dit ?
ouai, c'est sans doute à cause de ce verre que tout a commencé. celui que kenaël t'as proposé. le premier. pas le dernier, loin de là. un verre un soir, comme ça. puis un autre, apprendre à se connaître, apprendre à s'apprécier. tu l'as apprécié du premier regard, le brun, sans doute même un peu trop. tu ne sais pas vraiment ce qui t'as fais craquer. ouai. vous êtes si différents, toi la petite princesse aux mèches dorées et lui. lui et sa peau mate, lui et ses cheveux jais. lui et ses prunelles océans. merde, combien de fois, tu t'es perdues dans ses yeux, à kenaël ? et tu t'es trouvée bien bête quand, le soir même, il a dû t'appeler à de nombreuses reprises avant de te faire sortir de tes pensées. tes yeux. ils sont magnifiques. ils le sont, après tout. tu ne pouvais pas, ne pas évoquer son regard. il t'a prise au piège. dé la première seconde. jusqu'à la fin.

ça fait longtemps que tu leur mens, à tes parents. trop longtemps. même plus d'un an, tu as arrêté de compter les jours aux côtés du brun. toi ça te convient bien cette situation, mais pas à lui. et tu as craqué. tu as accepté d'organiser une rencontre avec tes parents, en connaissant déjà le déroulé. parce que ton père ... c'est ton père.
porte qui claque, un désastre. tu retiens tes larmes. tu trembles, d'une hystérie silencieuse. c'est quoi le souci exactement ? il est pas assez bien pour toi ?! putain, mais la vie ça se résume pas au nombre de zéro sur un compte en banque ! tu lâches finalement en t'adressant à ton père, les poings serrés. non en fait, ne réponds pas. je sais très bien pourquoi tu ne l'acceptes pas. tu siffles. tu l'acceptes pas parce qu'il a la peau matte. tu me dégoûtes, mais à un point. t'avais jamais vraiment voulu t'en rendre compte, quand ton frère s'est barré t'étais trop jeune pour comprendre. tu restes muette quand ton père s'approche, qu'il vient te gifler. les larmes viennent inonder tes joues. c'est la porte de ta chambre qui claque, finalement.

pourquoi tu pars ? tu demandes de ta petite voix fluette. tes grands yeux ouverts en direction de ton frère aîné. tu ne comprends pas, toi, pourquoi il s'en va. pourquoi il quitte la maison, la ville. pourquoi toi, il te quitte. tu sais barbara, parfois les gens se sentent mieux quand ils sont loin, tu comprends ? mais je reviendrais te voir, c'est promis. tu hoches la tête, serrant entre tes mains ton doudou favori.
il a tenu sa promesse, ton frère.
il est revenu te voir, toi, tu aurais aimé qu'il revienne, tout simplement.

et, finalement, tu as pris une décision. celle qui fait mal. trop mal. celle de mentir. mais à kenaël, cette fois. les mots ont déchiré tes lèvres. tu l'aimes, tu l'aimes tellement et pourtant, c'est tout le contraire que tu lui souffles. mais t'as peur. peur pour toi, pour vous, pour lui. je suis désolée. tu murmures faiblement, avant de t'éloigner, la gorgée nouée, les yeux embués de larmes. et à tes parents, tu as prétexté avoir réfléchi, pensée, beaucoup, et vouloir te rendre chez ta grand-mère pour te recentrer sur la priorité. pour t'éloigner du brun. chicago, c'est si loin.
si seulement ils savaient les vraies raisons de ce départ. mason est né neuf mois plus tard. après que tes parents aient découvert ta grossesse au bout de six mois, après qu'ils t'aient brisée un peu plus encore. mais il était impossible pour toi d'avorter. impossible.

mason, c'est ton petit ange. c'est une part de kenaël qui sera toujours avec toi, quoiqu'il arrive. il a le droit de connaître son père. ken a le droit de connaître la vérité après tant de temps, il a le droit de connaître son fils. et ces retrouvailles ont été plus compliquées que prévu. il t'en veut, le brun. et tu le conçois, mais tu n'arrives pas à comprendre ce semblait de haine qu'il nourrit. tu as voulu le protéger, rien de plus.
tu regrettes tellement tes actions.
tu aurais aimé avoir le courage de lui annoncer, de te battre avec lui contre tes parents.
tu l'aimes tellement, même après tant de temps.

deuxième enfant du couple stevens et unique fille, petite princesse depuis toujours, née avec une cuillère en argent dans la bouche, cuillère que tu as bien vite crachée par terre. sportive, tu as toujours aimé l'athlétisme. tu en faisais petite, tu as du arrêter quand tu es tombée enceinte. mason, il tient de son papa. sa peau elle est mate, ses cheveux sont foncés, et ses prunelles si pâles. tu as souvent l'impression de voir le portrait craché de kenaël. et les regards dans la rue, tu t'en contre fiche totalement. que les gens sortent un peu de leur étroitesse d'esprit. ton patron, il a tendance à être un peu trop tactile avec toi et ça te fait peur par moment. mais t'as besoin de ce job, tu peux pas te permettre de partir. parce qu'il a de l'influence en ville et qu'il t'empêcherait de trouver un autre boulot pour subvenir aux besoins de ton fils. t'es prise au piège, tu l'évites. mais tu sais que le jour ou il te voudra vraiment, il fera tout pour t'avoir.  ton frère, tu l'as revu il y a peu. tu lui a tout avouer, tout ce que tu avais sur le cœur. et c'est lui qui t'héberge, pour que tu puisses mettre un peu d'argent de côté, pour que tu puisses sortir la tête de l'eau avec mason. tu participes aux frais de l'appartement, tu veux pas jouer ta petite princesse et te laisser vivre chez lui. tu parais plus fragile que tu ne l'es vraiment. ça dépend des moments en fait. tu peux t'écrouler, comme tu peux rester forte. même si c'est plus que compliqué ces derniers temps. tu as tendance à constamment t'effondrer. pour tout et n'importe quoi.

running your finger down the wall